Le poids de l'adaptation

Lorsqu'est adapté une telle oeuvre, l'une des plus connues et renommés de la littérature française, qui plus est avec des moyens si importants, une démarche pouvant être adoptée consiste en la volonté de restituer son histoire à travers le médium cinématographique, plutôt qu'au contraire, créer une véritable nouvelle oeuvre. Il y a alors le risque que cette adaptation ne débouche finalement que sur une tentative de copie sans âme de l'histoire originale, le réalisateur (dans ce cas ils sont deux) ne s'en servant pas afin de davantage se concentrer sur certains aspects ou thèmes spécifiques, et l'oeuvre originale se voyant de plus être réduite. Et ça, même si l'on a pas lu le roman comme c'est mon cas, c'est largement perceptible.

Alors je me suis quand même renseigné sur l'oeuvre de 1844, et il est vrai que les metteurs en scène se permettent de petits changements à certains moments. Reste que pris de manière globale, ce film se révèle être assez vain dans ses ambitions. En effet, même s'il s'avère que certains points (pas non plus absolument centraux) du scénario consistent en l'altération partielle de ce qui se passe dans le roman afin de le synthétiser et de limiter la durée finale, le fait est que les trois heures du film consistent, elles, en la succession des principaux événements et des principales péripéties de l'histoire, en ne se posant que très (trop) rarement.

Certains passages avec un véritable potentiel pour une exposition plus large (l'évasion, la découverte du trésor, la partie de chasse...) se voient finalement être ramenés à un montage de plans de 2-3 minutes très vite oubliable avec de la musique puis à leur dénouement, à ce qui permet de faire avancer l'histoire. Dans la seconde moitié du film, cet aspect se trouve renforcé par l'utilisation fréquente du montage alterné, nous montrant en même temps d'un côté le Comte et ses compagnons en train d'établir leurs plans afin de tromper leurs ennemis, et de l'autre leur passage à l'action.

Pour ce qui est des thèmes, je trouve dommage également que la soif de vengeance du Comte, avec les conséquences qu'elle entraîne sur les personnages qui l'entourent, ne soit pas davantage traitée avant les quinze-vingt dernières minutes, c'est assez linéaire en fait. L'on a pourtant ce passage ou Angèle confesse à Edmond qu'elle a préféré sauver une vie plutôt que de se venger (ou un truc du style) et à ce moment-là on pense bien sur aux intentions-mêmes de ce dernier, mais ensuite, jusqu'à cette dispute avec Haydée qui entraine la dernière partie, non, le plan se déroule à merveille, tout le monde est soudé dérrière le but de maintenir les fausses identités.

Cette partie offre cependant l'une des rares scènes fonctionnant assez bien du film, celle du dîner au cours duquel Edmond fait mention de la tentative d'infanticide commise par le procureur présent à la table. C'est posé, la musique s'arrête afin de laisser les personnages (principalement celui de Pierre Niney) agir et le semblant de suspens installé est assez croustillant. Hélas on retombe après directement dans la précipitation, l'enchevêtrement de scènes avec cette histoire de bateaux volés et de procès.

Pour le reste c'est extrêmement académique, la musique est lourde et omniprésente, tout est filmé de la même manière grandiloquente à coups de grands mouvements de caméras ou de ralentis. Les dialogues, bien que très présents, sont souvent empiétés, ou par la musique, ou par des flashs-back illustrant ce qui est en train de nous être dit au cas où on serait pas capable d'être attentifs, ou même par les deux à la fois. De plus l'effort d'interprétation de certains passages directement empruntés au roman semble parfois assez forcé, même si la plupart du temps ça passe et les acteurs / actrices sont plutôt bons.

Au final cette œuvre ne m'a donc que très peu impliquée émotionellement, la faute principalement au fait de croire qu'un grand budget suffit pour réaliser une bonne adaptation d'une œuvre littéraire considéré comme un classique.