Depuis de nombreuses années, les comédiens ne craignent qu'une chose: se voir remplacer petit à petit par leurs avatars numériques, cauchemar de plus en plus proche avec les progrès réalisés en matière de photo-réalisme. C'est cependant oublier qu'à force de se triturer la face à grands coups de bistouri et de Botox (poussés il est vrai par les diktats actuels), les "stars" d'aujourd'hui précipitent inexorablement leur propre fin.
Adaptant le roman de Stanislaw Lem, le metteur en scène remarqué du superbe "Valse avec Bashir", Ari Folman, se penche ainsi sur la question du devenir du cinéma, développant un sujet abordé avec un peu trop de légèreté par Andrew Niccol avec "S1mone". Dans un premier temps, le cinéaste brouille les pistes entre la réalité et la fiction par le biais d'une mise en abyme du métier d'acteur, la comédienne Robin Wright interprétant son propre rôle dans une sorte de vision déformée de sa vie.
Le scénario enfonce des portes déjà grandes ouvertes (quoi, les producteurs ont de tout temps considéré les acteurs comme de simples pions ? incroyable !) et Folman peine à insuffler un rythme et une véritable identité à sa mise en scène mais dirige étonnamment bien ses acteurs de chair et d'os, une belle surprise de la part d'un cinéaste plus habitué aux personnages de celluloïd. Et surtout, il livre une réflexion intéressante sur l'image, sur une identité devenue malléable à l'extrême jusqu'à disparaître totalement sous les doigts du public.
Basculant ensuite du live à une animation rappelant l'univers de Tezuka, les avatars animés devenant plus réels que la réalité elle-même, "Le congrès" vire malheureusement au délire hallucinogène et métaphysique, au bad trip abscons et interminable, légèrement désagréable si vous n'êtes pas dans le coup, ce qui était à mon grand regret mon cas.
Proche par instant du travail de Satoshi Kon mais tombant dans les travers un brin pompeux d'un "Mr Nobody", "Le congrès" est une oeuvre ambitieuse, exigeante et qui a le mérite de proposer quelque chose qui sort un minimum des sentiers battus, mais dont la constante expérimentation et le manque d'émotion risquent d'avoir raison des moins patients.