Le générique se termine et le film s'ouvre sur le gros plan d'un visage de femme en train de pleurer. Le regard dans le vide, cette femme écoute un discours que lui tient son agent sur sa vie d'actrice ratée.
Hors champs, en voix off, le personnage invisible brise un par un les pans de la vie de cette comédienne au visage sillonné par les larmes mais qui garde toute sa dignité.
Ainsi débute la première partie de cet OFNI, en prise de vue réelle avec Robin Wright qui joue... Robin Wright.
C'est elle qu'il faut saluer. Elle se met à nu, en réel danger (en tant que femme, personne et professionnelle) et elle brille avec les plus grandes étoiles du firmament du septième art.
Car le Cinéma en tant qu'art en bout de course est au centre de ce métrage, une adaption très libre d'un roman de Science Fiction de Stanislas Lem publié en 1971.
Le cinéma est-il un art de simples images en mouvement faites avec le plus de précision et de technicité pour épater un oeil de plus en plus exigeant ou un art qui parle d'émotions, faits par les hommes, les femmes avec leur vécu et leurs imperfections ?
Quand Robin Wright se voit proposer un contrat bien particulier par les dirigeants du studio pour lequel elle travaille, tout va changer.
Elle va remettre sa vie professionnelle, de femme, d'actrice de mère en perspective et agir en conséquence.
Ses relations avec ses enfants, la maladie de son fils, le mépris de sa fille expliquent en grande partie sa décision.
En même temps se pose la question de l'apparence pour les actrices et de leur âge limite de consommation. Comment rester jeune, continuer à susciter le désir pour pouvoir travailler ? Le corps est-il alors plus important que le talent quand on est une femme ? Doit-on se contenter des restes, de ce qu'on veut bien nous accorder quand on prend de l'âge et atteint la maturité ?
La nature de l'acteur (et au delà de l'humain en général) est intérrogée, la manière qu'il a d'incarner un personnage, ce qui le caractèrise, sa façon de transmettre les émotions palpables à l'écran sont au coeur de cette réflexion...
Ne supportant plus toute cette pression et devant se consacrer à son fils, Robin Wright se voit contrainte d'accepter les termes de l'accord qui va la contraindre à ceder son image, se vendre complètement, faire scanner son corps, le faire enregistrer sur disque dur pour faire travailler ces pixels à sa place et soumettre ces quelques megaoctets à la volonté des producteurs. La scène de scan est d'ailleurs fascinante à tout point de vue.
Les deux acteurs y sont époustouflants et le récit prend aux trippes.
Là commence le questionnement sur ce qu'est le cinéma en général et ce qu'on veut en faire. Un art ? Une industrie sans âme destinée à générer des profits ?
A partir de là, nous entrons dans la seconde partie. Il n'y a plus de prise de vues réelles mais un univers animé, coloré qui parle d'une dictature chimique universelle. Ce plongeon animé pourra en laisser plus d'un sur le bas-côté. Rempli de personnages connus, de faune et de flore étranges, ça parle d'un voyage intérieur autant hallucinatoire qu'hallucinant. On peut observer sans doute beaucoup de maladresses, reprocher à l'animation d'installer une distance avec le sujet mais l'originalité, la créativité et l'intelligence forcent le respect.
Ari Folman a écrit, réalisé un film de
Science Fiction, et cette appélation est à la limite d'être obsolète et se révèle dépassée. En effet, l'image des acteurs culte est d'ores et déjà numérisée, proposée dans des spots publicitaires, monnayée par des avocats comme Mark Roesler ou feu Roger Richman, qui se disputent Marilyn ou James Dean... D'ailleurs aux nouvelles générations en mal de pinup, Betty Page va sortir de sa tombe pour un spectacle d'ici l'année prochaine.
La technique perd l'humain...