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Vanessa au pays des admirateurs de pédophiles !

Moi, je crois que je vis sur une autre planète. Nous sommes à la fin du XXe siècle, nous défendons les droits de la personne, les droits à la dignité, le droit à l’intégrité des personnes, et une chose que l’on défend, c’est le droit des enfants, et on les protège. Moi, monsieur Matzneff me semble pitoyable. Ce que je ne comprends pas, c’est que dans ce pays, et je le comprends, car la littérature a une sorte d’aura ici, c’est que dans ce pays, la littérature entre guillemets serve d’alibi à ce genre de confidence.


Monsieur Matzneff nous raconte qu’il sodomise des petites filles de 14 ans, 15 ans, que ces petites filles sont folles de lui. On sait bien que les petites filles peuvent être folles d’un monsieur qui a une certaine aura littéraire, on sait que les vieux messieurs attirent les enfants avec des bonbons. Monsieur Matzneff les attire avec sa réputation.

(Citations de la regrettée Denise Bombardier, étrangère ayant atterri dans un pays de fous, seule lueur d'espoir, quant à l'espèce humaine, sur le plateau putride de l'émission télévisée Apostrophes du 2 mars 1990 !).


Ces propos symbolisent et synthétisent très bien une abomination ayant contaminé notre société. Et qui la contamine toujours (oui, il suffit de voir, par exemple, avec quel respect et quelle fréquence des êtres abjects, dont la pédophilie est un secret de Polichinelle, sont invités par les médias ou reçus par les politiques, comme s'ils étaient des modèles de sagesse !). Oui, toutes les strates de la société, le monde politique, les médias, l'"intelligent"sia parisienne, littéraire ou autre, l'éducation nationale, le milieu médical, et, même, pire encore (je vais y revenir plus loin !), non seulement n'ont pas su protéger leurs enfants, mais en plus les ont laissés, avec une complaisance et une bienveillance terrifiantes aux mains des prédateurs (surtout quand ceux-ci sont de l'élite !), ne les ont pas aidés à remonter à la surface, mais, au contraire, les ont enfoncés encore plus. Le consentement, ce n'est pas celui de l'héroïne, mais celui de la société sur cette question. D'ailleurs, pourquoi j'écris, la plupart du temps, au passé ? La parole s'est libérée, certes, à l'exemple du best-seller autobiographique de Vanessa Springora adapté ici (que je n'ai pas lu, ce que je regrette après coup, car il contient certainement ce qu'il manque au film !), ce qui représente une victoire, mais...


Le film de Vanessa Filho parvient à mettre en évidence cette dégueulasserie. C'est une de ses qualités. Et, dans cette optique, les scènes entre la mère et la fille, la première ayant complètement foiré à remplir son devoir de protection à l'égard de la chair de sa chair, sont parmi les plus réussies et les plus intenses de l'ensemble (au passage, Laetitia Casta, est excellente en parent seul constamment paumé !).


Là, où le tout est aussi réussi, c'est dans la manière dont sont dépeintes les tactiques de manipulation du pédophile sociopathe Gabriel Matzneff (écrivain aux tirages médiocres, mais ayant été publié, malgré tout, par les plus grandes boîtes d'édition françaises, soutenu, de toutes les façons, par toutes les strates susmentionnées, ayant des amis, du moins des soutiens, de tous les bords politiques, au lieu d'être à la Santé, comme il l'aurait été dans un monde un tant soit peu normal !), pour écraser physiquement et psychologiquement sa proie (y compris lors de scènes crues d'abus sexuels, ne cachant rien de l'horreur !), la détruire avec une puissance effroyable. Il y a aussi la vision révélatrice de la carrure sèche, imposante et arrogante de l'enflure, incarnée par un glaçant Jean-Paul Rouve, crâne soigneusement rasé, lunettes de soleil pour dissimuler son regard reptilien, maintien de soi olympien (même quand il s'assouvit ses répugnantes perversions !), élocution brillante face à la silhouette voûtée, gracile et fébrile, s'excusant presque d'exister, ayant des attitudes traduisant un anéantissement physique et psychologique, incarnée par Kim Higelin (22 ans au moment du tournage, mais faisant facilement 8-9 ans de moins !).


Par contre, là où ça échoue, partiellement, mais suffisamment pour que ce soit très gênant, pour que ça gâche globalement la raison d'être du long-métrage, c'est dans le point de vue de la victime.

La réalisatrice ne traduit les pensées de celle-ci que par les mots sortant de sa bouche, par ses attitudes, par sa manière d'être, d'agir, par les réactions de son corps qui tentent de l'avertir de l'anormalité de ce qu'elle subit. Parfois, par quelques instants remarquablement parlants, comme cette séquence au ralenti lors de laquelle la protagoniste regarde ses camarades de collège jouer des jeux de leur âge, étant la seule à ne pas y participer. Cependant, en ne faisant pas partager constamment les pensées de cette jeune fille, le film ne parvient pas à faire saisir ce qui l'a poussée vers son bourreau, ce qui l'a motivée à aller vers lui, son attirance physique pour lui, pourquoi elle a succombé à son charme, pourquoi elle s'est décidée enfin à s'en échapper à ce moment-là et pas à un autre.


Le recours à une voix-off omniprésente de Matzneff, lorsqu'il n'est pas présent physiquement, souligne que c'est un parti pris volontaire, conscient, de Filho, pour bien mettre en exergue l'emprise du monstre profitant, sans scrupules, d'une personne trop perdue, trop abandonnée à elle-même, pour avoir une réflexion cohérente sur ce qui lui arrive ; le souligne aussi la toute fin, lors de laquelle notre protagoniste s'exprime enfin, en commençant à retourner une arme de son persécuteur contre celui-ci, allant ainsi vers une revanche et un triomphe libérateurs sur ce dernier.


Reste que, à cause de cette quasi-absence de point de vue (même ne serait-ce que par celui de l'adulte en train d'écrire un livre, avec les inévitables limites du refoulement, du temps et du souvenir que cela implique, mais avec l'avantage du recul !), l'on passe trop à côté de ce qui est le cœur du récit, à savoir le personnage de Vanessa. Il aurait été bon de donner pleinement la parole à la victime. Elle a beaucoup trop de choses essentielles à dire pour que l'on puisse se permettre de passer à côté. Je suis d'accord, en général, en ce qui concerne le cinéma, avec le bon vieil adage "show, don't tell", mais il est parfois nécessaire, voire vital, de transmettre avec les mots. Dans ce film, la victime doit être vue, mais elle doit être aussi entendue.

Plume231
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le 12 oct. 2023

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Plume231

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