Dans ma cinéphilie, j'ai quelques plaisirs coupables. Ainsi, je reconnais le manque de qualité plus ou moins grand de filmscomme Le Professionnel, L'Animal ou Flic ou Voyou, mais je ne peux m'empêcher de les aimer. Et dans ces 'Belmonditudes' (post Peur sur la Ville), l'oeuvre la plus réussie est pour moi Le Corps de mon ennemi.
J'aime la complexité de cette histoire. Plusieurs époques s'entremêlant, centrées sur le présumé crime de François Leclerc, avec tant de thématique : histoire sociale, histoire de vengeance, histoire d'amour. Le tout porté par une voix-off incarnée et presque lyrique, et des scènes de songeries, où les souvenirs d'un passé perdu s'incarnent dans le réel d'un présent désanchanté.
Si l'histoire de vengeance est classique, et l'histoire d'amour assez secondaire, socialement, c'est Icare et l'ascenseur social. Un fils du prolétariat, qui, en tombant amoureux de la fille du grand industriel de la ville, se mêle à son gratin bien installé. Mais il reste un étranger, et lorsqu'il découverte qu'il est l'idiot utile d'un système mafieux, il en devient le bouc émissaire. Et en assassinant la star de l'équipe de football local, il devient même un monstre au yeux de tous.
Il me reste en tête cette scène de déambulation dans les rues vides d'une ville qui vit au rythme et au son d'un match de football, et cette scène finale, qui finalise la vengeance d'un homme prêt à tout pour laver son honneur.
Le Corps de mon Ennemi est une critique acerbe de la fabrique de la modernité, de l'étalement urbain, du capitalisme et de la société de consommation. Il dresse un portrait sans concession d'une société bourgeoise qui met à l'abri ses propres membres, pour pérenniser l'ordre établi, et idéalise le solitaire et le débrouillard.