Certainement le « Ranown » le moins réputé des sept films que tournèrent ensemble Budd Boetticher et Randolph Scott. Cette avant-dernière collaboration ne porte, en effet, pas la signature de Burt Kennedy ou de Charles Lang au scénario. Le résultat n’en demeure cependant pas moins une réussite même si Boetticher lui-même le jugea sévèrement. Si la dimension tragique est peut-être moins présente, l’ensemble paraît, du même coup, moins mécanique. Cela tient sûrement au portrait réussi des différents protagonistes. Autour de six personnages, de prime abord moins nuancés que lorsque Burt Kennedy est à l’écriture, se développe pourtant une intrigue incertaine avec des personnages aux intentions peu claires. En tête de ceux-là, les deux personnages féminins plutôt bien écrits, surtout celui de Virginia Mayo qui, même si on la voit peu, entretient une profonde ambiguïté. Le personnage de Clay Putnam partage avec elle cette palme.
Randy retrouve un rôle beaucoup plus positif que dans ses autres collaborations avec Budd Boetticher. Il est le héros pur et dur de cette aventure, impitoyable avec l’ennemi et bienveillant avec les plus innocents. Si la dimension tragique est absente, cela ne gâche pas l’ensemble, bien au contraire. Autour de ces quelques personnages, tous parfaitement incarnés, le film fait le choix de l’action avec incendies de relais, vols de chevaux et attaques de diligence. Le pitch n’a certes rien de franchement original, mais c’est parfaitement conduit. Tout le savoir-faire de Budd Boetticher se retrouve dans de superbes séquences filmées avec une élégance rare. Nombreux sont ainsi les plans parfaitement imaginés (les cavaliers menaçants en arrière-plan sur le haut d’une colline par exemple ou l’exploitation de la pluie sous laquelle sont libérés des cheveux). En dépit de sa durée presque ridicule (1h08), le réalisateur prend son temps de poser les enjeux dans ses scènes d’action (l’attaque de la diligence), donnant une véritable patte à l’ensemble.
Le résultat est une vraie série B de luxe. En à peine trois semaines de tournage, Budd Boetticher parvient à tirer de ce petit scénario une nouvelle perle qui aurait donné un western de série anonyme avec un autre réalisateur. Peut-être serait-il judicieux de relire ce film sous un nouvel angle. Différent des autres productions du duo, ce western donne justement à voir comment le réalisateur sait tirer parti de n’importe quel scénario. Solide et carré, son travail remarquable fait de ce petit western un bon film.