Cette adaptation de Patricia Highsmith n'est pas le Chabrol le plus connu, pourtant ce "Cri du hibou" sous influence hitchcockienne ne manque pas d'intérêt, en particulier dans sa première moitié qui lorgne vers le fantastique et diffuse une atmosphère inquiétante.
Pourtant, après une scène d'introduction en mode voyeur, j'ai été très inquiet lors du premier (long) dialogue entre Christophe Malavoy et Mathilda May, tellement badin et artificiel qu'on pourrait se croire chez Rohmer.
Mais très vite Chabrol parvient à installer une belle ambiance morbide et hypnotique, à l'aide de lumières crépusculaires et du décor triste et banal d'un lotissement de province (Vichy, un lieu symbolique), laissant envisager que le héros est une allégorie de la mort elle-même.
Il apparaît que la fausseté du jeu et l'artificialité des dialogues est une volonté assumée, destinée à égarer le spectateur, qui perd ses repères habituels.
J'ai été nettement moins convaincu par la seconde partie du film, moins abstraite mais paradoxalement moins crédible, Chabrol se montrant (comme à son habitude) incapable de filmer une scène "d'action", et désireux de finir son récit en queue de poisson.
On comprend les grandes lignes mais l'ensemble s'achève dans la confusion, avec une ultime scène aussi sanglante que grand-guignolesque.
Finalement, ce qui caractérise le mieux "Le cri du hibou", c'est son aspect inégal, à l'image de la prestation des comédiens (un bon point pour Malavoy, Mathilda May et Jean-Pierre Kalfon ; un mauvais pour Virginie Thévenet et surtout Jacques Penot, nullissime).
Chabrol alterne en effet les séquences réussies (la partie de dames avec le docteur, l'hystérie des voisins plaqués à la fenêtre) et les scènes ratées (en gros, dès que ça bouge) avec une belle régularité.
Beaucoup resteront totalement fermés devant ce faux-polar étrange, quand d'autres apprécieront son inquiétante singularité et sa richesse thématique (fatalité, culpabilité, place de la mort au sein de la vie...).