Je suis adepte de l'idée qu'une fin, bonne ou mauvaise, est déterminante dans l'appréciation et le souvenir d'une œuvre. Je ne dis pas qu'elle est la seule chose à soigner mais une excellente conclusion sera sans doute mémorable; alors qu'un final qui s'effondre comme un soufflé aura tendance à marquer plus négativement.
Malheureusement ce film se trouve dans une position délicate pour moi.
Je ne voulais pas le voir pour une simple raison : j'ai déjà vu la meilleure adaptation, pour moi, du célèbre "Crime de l'Orient Express". A savoir celle dans l'épisode 3 de la saison 12 de la série "Hercule Poirot" portée par le formidable David Suchet.
J'ai une affection particulière pour cette série, et cet épisode (qui pourrait être considéré comme un film du haut de ses 90 minutes) est pour moi l'apogée de sa qualité.
Je vous laisse aller le regarder si ce n'est pas déjà fait, l'heure n'étant pas ici à la critique de cet épisode mais plutôt de ce film qui a la tâche ardue de passer après une histoire qui, pour moi, n'avait pas besoin d'être racontée à nouveau.
Au début et jusqu'au milieu du film je dois avouer que je passais un moment relativement plaisant, j'ai commencé à me demander pourquoi il avait déplu à tant de personnes. Puis j'ai compris : j'ai l'impression qu'il se repose entièrement sur la popularité de cette enquête pour s'abstenir de nous fournir autant d'explication qu'il le devrait.
L'investigation donne l'impression d'être au point mort puis en une fraction de seconde Hercule a tout compris mais n'en laisse rien paraître. Jusque là rien d'anormal, le petit rituel d'Hercule Poirot étant de révéler ses conclusions et les résultats de l'enquête à tout les personnages ainsi qu'au spectateur dans une réunion finale.
Mais voilà ce petit rituel (sous l'allure d'une Cène qui n'a rien à faire là, mais bon ils sont 12 alors why not ?) est très fade à mon goût.
On ne perçoit pas tout le travail de déduction qui fait de Poirot un dédective brillant, on est laissé dans l'ombre de son intellect trop elevé pour nous autres mortels et on nous fait avaler ses conclusions comme si elles coulaient de source.
Je connaissais le résultat de l'enquête dès le début du film et pourtant je n'ai pas compris les conclusions de Poirot (fatigue peut-être ? ou cafouillage scénaristique ? je laisse le bénéfice du doute).
Enfin, un ultime point me chiffonne. La raison pour laquelle j'ai été particulièrement touché par l'adaptation du "Crime de l'Orient Express" portée par David Suchet est la question du dilemne moral qui se pose à notre détective belge en fin d'enquête.
Je n'ai pas senti ce tiraillement entre le sens profond de la justice et la compassion que David Suchet a si bien su interpréter dans la fin mémorable de son adaptation.
Je me souviens encore des traits de son visage tremblant sous le poids de l'indécision et toute la contradiction qui désormais hantera ce personnage.
Ici nous avons un moratoire de deux lignes de dialogue expliquant que "il y a le bien et le mal mais en fait là non" (excusez-moi je paraphrase), puis au terme d'un faux suspens, un Hercule Poirot qui renie tout ses principes avec une facilité déconcertante.
Cette fin m'a déçu au plus haut point et a fini d'achever le film pour moi.
J'admet que l'interprétation de Kenneth Branagh ne m'a pas paru mauvaise, au contraire elle se démarque de celle déjà connue tout en conservant beaucoup de respect au personnage; et puis je salue l'effort de l'acteur à retranscrire toute la détresse d'un francophone avec la langue de Shakespeare (en VO évidemment).
Tout n'est pas à jeter dans l'ensemble mais la portée émotionnelle d'une autre adaptation viens malheureusement ternir mes attentes pour celle-ci, et même en faisant abstraction de cela, la qualité de l'enquête me paraît en deçà de ce que l'on attend d'une adaptation d'Agatha Christie.