La magie du cinéma passe par l'animalité des acteurs et la manière dont la caméra la dompte. Dompter ne veut pas dire assujettir mais canaliser ce qui est inné, donner toute sa puissance au feu intérieur. Cela est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'un enfant ou d'un adolescent. L'animal est alors en pleine possession de ses moyens, instinctif et capable de tout apprendre.
Lauréat du prestigieux Prix Marcello-Mastroianni 2014 et succédant à Tye Sheridan pour Joe, Romain Paul possède l'animalité qui rend le cinéma magique. Comme Zoé Heran dans Tomboy, Kirill Emelyanov dans Eastern boys, Kim Sae-Ron dans A girl at my door, mais aussi River Phoenix ou Mia Wasikowska et tant d'autres... il irradie.
Dans Le dernier coup de marteau, Alix Delaporte prend ce qu'il y a de meilleur dans chacun de ses personnages et l'offre aux autres. Limpide et lumineux, infiniment doux, son film éblouit par sa rigueur et sa simplicité. Alors qu'Angèle et Tony souffrait d'un scénario trop écrit, trop dialogué, trop bordé, la fluidité narrative donne ici toute sa force au mouvement romanesque qui emporte le film. Car Le dernier coup de marteau n'est pas un film naturaliste, encore moins réaliste, c'est un doux poème d'amour, un profond récit d'apprentissage sans cris ni fureur.
Le scénario évite tous les écueils et se concentre sur l'essentiel, les gestes et regards qui font la beauté des rapports humains. Une telle délicatesse est si rare au cinéma qu'elle en est encore plus précieuse. L'émotion naît alors de scènes de rien, un échange de quelques secondes, un sourire complice, le regard de Victor suivant le déplacement de Luna, tant de scènes littéralement bouleversantes, incroyablement simples, infiniment belles.
Romain Paul est magnétique, Clothilde Hesme, Grégory Gadebois et tous les autres, parfaits. L'image superbe est au service d'une mise en scène fluide et sobre. Le dernier coup de marteau est l'un des films les plus généreux de ces dernières années, cadeau d'une cinéaste capable de filmer avec la même évidence un entraînement de football et une répétition d'orchestre. On n'est pas loin de la puissance de Tomboy.
La musique de Mahler est toujours aussi cinégénique.
Le dernier plan est magnifique.