Bertolucci est (comme chacun sait) un cinéaste subtil qui excelle à dépeindre des ambiances souvent délétères. Partant de là, l'histoire de Puyi, à la fois grandiose et grotesque, était faite pour lui. Malheureusement, l'immense cinéaste, même lui, s'est fait prendre aux pièges du "biopic". Qu'est-ce qu'un biopic, en effet ? L'histoire d'un personnage dont on connaît la fin, ou dont on pourrait connaître la fin par la seule lecture d'une fiche Wikipédia. Dès lors, la plupart des productions du genre me semblent adopter les mêmes faiblesses : réduction de la narration à autant d'étapes vers cette fin déjà connue ou supposée connue ; réduction de la complexité de la vie à une grille de lecture simpliste afin de faciliter la démonstration.
On sent que le cinéaste a trop d'intelligence pour verser tout à fait dans ces défauts, et le charme de ce Dernier Empereur, c'est qu'il comporte nombre de scènes "inutiles" pour la seule diégèse, mais qui en disent long sur l'empereur en tant que sujet. On a donc, à mon sens, une alternance entre des scènes "illustratives" - le principal personnage du film, c'est peut-être la Cité Interdite - et des scènes "démonstratives" qui font avancer l'histoire vers la déchéance programmée de Puyi. Malheureusement, ce compromis nuit à l'équilibre du tout. Les scènes illustratives finissent par ressembler à une collection de cartes postales ; les scènes démonstratives ne nous font pas ressentir grand-chose de la complexité de l'Histoire ni de la psychologie de l'Empereur. Comme si le film, en essayant de tout dire, ne disait pas grand-chose, en dépit d'une seconde partie (l'exil, la compromission avec les japonais) plus intéressante, où Puyi commence enfin d'acquérir un semblant de densité. Légère déception. Je me garderais bien, en cela, de parler du "chef d’œuvre de Bertolucci". Néanmoins c'est magnifique, et c'est certainement à voir au moins une fois. Mais peut-être qu'une fois suffit.