Mes attentes étaient grandes en voyant ce film, la déception n'en fut que plus amère.
Il ne s'agit, somme toute, que d'une classique histoire mélodramatique de triangle amoureux : la femme séduite malgré elle par l'acteur voyou/résistant, séducteur en série, rebelle et anti-autoritaire, au nez et à la barbe du bon mari terré dans le sous-sol de son théâtre, écoutant les répétitions à travers la tuyauterie, qui mènera sa femme vers l'adultère bien malgré lui en lui conseillant d'être plus sincère quand elle joue les scènes d'amour.
"il n'est pas exagéré de dire que les cent et quelques films français réalisés chaque année racontent la même histoire : il s'agit toujours d'une victime, en général un cocu. Ce cocu serait le seul personnage sympathique du film s'il n'était toujours infiniment grotesque" écrivait Truffaut en 1954.
Pour pimenter cette histoire d'amour, Truffaut a imaginé une multitude de personnages secondaires tous plus caricaturaux les uns que les autres, probablement censés figurer le fait qu'une troupe de théâtre est comme une grande famille : le metteur en scène homosexuel efféminé, la lesbienne gouailleuse, le petit gros sympathique, le gamin parisien débrouillard... Dans une mise en abyme en forme d'aveu, le petit gros fait mine de s'offusquer d'être l'alibi comique de la troupe. Peine perdue : on le retrouvera dans l'épilogue en train de pédaler pour alimenter un projecteur (c'est drôle un petit gros qui sue). Ces interludes comiques agacent plus qu'ils n'amusent. Pour un peu on se croirait chez Jeunet, le filtre jaune en moins.
Paradoxalement, l'émotion transparaît bien plus dans la pièce dans le film que dans le film lui-même. L'histoire d'amour est convenue et attendue. Comme l'a remarqué le regretté Gilbert Rochu : "Catherine Deneuve y est aussi distante que dans ses spots publicitaires pour Chanel n.5". Reste l'aspect historique du métrage. La débauche de moyens techniques permet une reconstitution fastueuse, mais impersonnelle. Le film déroule scolairement les scènes de la vie quotidienne telles des images d'Épinal : les jambes maquillées pour faire croire au port de bas, le jambon acheté en contrebande, l'étoffe de laine glissée sous la porte pour garder la chaleur...
Pourquoi ce film a-t-il eu un tel succès public ? Il met en scène des gens ordinaires, qui tentent de survivre dans une époque troublée contre d'ignobles crapules nazies, et qui font parfois acte d'héroïsme. Le grand nombre de personnages fait que le public s'identifie forcément à l'un d'eux. Le casting prestigieux et la reconstitution ont scellé le succès au box office.
Le succès critique de ce film reste un mystère pour moi, certain critique n'ayant pas hésité à comparer Le Dernier Métro à To be or not to be. La vie est décidément pleine de mystères.