Fin arrosée de la Blood & Ice Cream Trilogy.
Flashback, image crade, dernier jour de lycée au début des nineties dans une ville anonyme de la campagne anglaise, cinq potes fêtent leur insouciante jeunesse en effectuant
la tournée des douze pubs de la ville,
une pinte par bar jusqu’à The World’s End, absurde mais conviviale
quête de la voie maltée.
Gary, adulte, est aux alcooliques anonymes et raconte son meilleur souvenir.
Seul, noyé par l’échec et l’alcool depuis longtemps, l’envie lui vient de réitérer l’exploit. Vingt ans ont passé et il entreprend de réunir ses quatre anciens amis, quatre hommes responsables, respectables, aux vies bien rangées, travail, famille, soucis. Peter est concessionnaire automobile, l’associé de son père. Oliver est agent immobilier, gagne bien sa vie. Steven, toujours coureur de jupon, est de la partie. Seul Andy est réticent. Il a arrêté de boire depuis de longues années. Gary lui, est un loser déconnecté, toujours un gosse, et malgré eux, il tire ses amis vers la nostalgie et les récupère dans la même voiture pourrie qu’il a achetée à Peter il y a plus de vingt ans, dans l’autoradio de laquelle traine toujours la même compilation sur k7, que lui avait offerte Steven, excellente bande-son de son immobilisme.
Gary rythme la virée, sans égard pour ses compagnons quand Sam, la sœur d’Oliver, les rejoint. Le passé avec. Bientôt ils reconnaissent d’anciennes connaissances, bourreau, ex petites amies, dealer, pilier de bar. Gary picole, sans daigner écouter ses amis, le ton monte.
T’as pas fait venir des potes, t’as fait venir des alibis.
Dans une fausse normalité environnante, la désagrégation du petit groupe atteint son paroxysme quand un formidable combat de catch aux wc hommes soude les amis face à
l’invasion extraterrestre.
Autour d’eux, le village est infiltré, des aliens de plastique robotisent leurs hôtes humains et saignent bleu sous l’enveloppe charnelle. Leur gardien caché aux yeux de tous, statue d’art contemporain sur la place centrale.
Andy lâche la bride.
Show me the way to the next whisky bar,
Alabama Song - The Doors
Chorégraphie de la picole,
la virée nocturne se rythme aux shots et aux pintes. Les théories et les réactions à l’invasion s’évaporent dans la bière et le rire. Face à la menace, Gary, Andy et les autres combattent flopées de jouets aliens dans les pubs. Y connaissant chaque recoin depuis Shaun Of The Dead, ils y utilisent chaque objet comme une arme et s’y terrent en refuge familier autour de Gary déterminé à descendre ses douze pintes.
Simon Pegg met un peu de Shaun dans Gary. Nick Frost se délecte d’un rôle différent de ce que les précédents films offraient. Tous deux nous régalent encore. Entourés d’un rôle plus important pour Martin Freeman, de la belle Rosamund Pike, de Paddy Considine et de l’excellent, extraordinaire, Eddie Marsan. Sympathique participation de Pierce Brosnan, l’inénarrable David Bradley et la voix de Bill Nighy pour enrichir le talent.
Alcoolisme et amitié, ce qui se perd en vingt ans,
les erreurs les regrets le désespoir.
Bientôt, les envahisseurs proposent à Gary un nouveau départ, une nouvelle jeunesse, une réponse à sa détresse.
Être des foireux, ça fait partie des droits de l’homme ! ... On
est l’espèce humaine, personne nous dit ce qu’on doit faire ou non …
Être libre comme l’air. Être libre comme l’air, faire ce qu’on veut,
et on veut s’défoncer, on veut s’éclater ensemble et c’est c’qu’on va
faire illico !
Comment ne pas penser aux attentats de Paris ? Comment ne pas faire le parallèle entre l’invasion extraterrestre et la menace terroriste, ces manœuvres de formatage de l’esprit, ces tentatives d’annihilation de la différence, de l’individualité.
Un coup de raccords dynamiques en plans inserts, les tics de la trilogie.
Même si le sang est bleu et que le cornet de glace est un lointain souvenir insatiable dans l’emballage vide qui vole au vent post-apocalyptique, les éléments de la Blood & Ice Cream sont là : l’humour et le décalage, (la troisième version de la palissade à la Buster Keaton) ; le film de genre et les codes de l’invasion, sa réflexion sur la société moderne, sur la sociabilité humaine ; et le rappel, fun, qu’il ne s’agit que de cinéma et de jouer avec des poupées de plastique qui se déboitent façon Barbie ou GI Joe.
Puis comme l’ensemble de la trilogie, The World’s End est un film de potes.
Un film sur l’amitié
encore une fois. Où son absence plonge l’homme dans la torpeur éthylique, où son retour, sans apporter de solution, veut dire beaucoup. Où Nick Frost et Simon Pegg insistent sur son inestimable valeur tandis qu’Ed Wright confirme son talent à mener de front les évolutions d’un, de plusieurs personnages et l’enjeu qui les dépasse.
Recette minimale d’un bon scénario, d’un montage intelligent et d’un film réussi.
Levons nos verres !