En effet, je rejoins un peu toutes les critiques que j’ai lues. Sous couvert d’une histoire banale, ce film est une dénonciation sérieuse d’un peu tout le monde au Congo en 1960, dans la période glauque et sanglante de l’indépendance du pays et de la prise indigène du pouvoir. On s’aperçoit que le drame est toujours d’actualité 60 ans d’indépendance plus tard. La bestialité ambiante et la corruption se ressentent aussi bien dans les villages, dans la jungle que dans les résidences présidentielles cossues. Elle est un personnage permanent du film, dont le héros, mercenaire réaliste, cupide et désenchanté, s’imbibe progressivement. Son enjeu essentiel converge peu à peu vers son combat intime entre son sens de l’adaptation et son humanité, chacun assurant à sa façon la survie du héros.
Viol, sodomie, pillage sanglant, alcoolisme, massacres interethniques et haine interraciale, racisme assassin et sauvagerie banale, y compris au sein des lourds passés entre Blancs, meurtre d’enfants, waw ! Pour un film de 1967 (au générique, et non 68 comme on voit partout), cette espèce d’ovni cinématographique des années 60 est un précurseur du réalisme sur ce qu’on a osé faire au cinéma par la suite, y compris dans un politiquement incorrect, et serait évidemment censuré aujourd’hui par la bienséance aseptique obligatoire.
Bon, je passe sur le sujet bateau et sur l’aspect un peu caricatural des personnages qui se la jouent vieux macho un peu périmé. Je ne vais pas non plus m’attarder sur le sujet de l’aventure pas très original, même si le film en tant que divertissement est réussi, car l’essentiel est ailleurs. Les équations politico-socio-ethnico-économiques sont posées simplement, les dialogues entre les deux protagonistes sont intelligents, l’amitié, les valeurs, les idéaux et l’évolution intime ne sont pas oubliés, malgré les scènes sans concession, sobres et élémentaires.
Tout le monde s’en prend objectivement plein la gueule, même avec des dialogues de cow-boys un peu pénibles : Les Noirs, les Blancs, Les journalistes, les mercenaires, le pouvoir bananier en place, l’incroyable barbarie indigène interethnique, l’ivresse des massacres et de la violence raciste locale, la cupidité des entreprises minières sur place, l’exploitation de cette pauvre Afrique désespérément déchirée entre les mâchoires chinoises, russes, américaines, françaises, belges et évidement le pouvoir local.