Au fil de mes visions de films russes, j'ai l'impression que leur cinéma ne respire pas la gaieté. Non pas qu'il soit mauvais, mais c'est souvent d'une tristesse à fendre des pierres.
Ce film raconte comment, selon une tradition issue de la communauté des Mériens, un homme doit partir déposer le corps de sa femme décédée et l'enterrer selon les rites, accompagné par son employé.
C'est assez court (1h15) et dans le fond, il ne se passe pas grand chose, car ça se résume à une voix off sur deux hommes dans une voiture, avec des oiseaux dans une cage. Et pourtant, je vous assure, c'est un très joli film,, complètement slave dans le fond (car baignant dans des traditions russes qui nous paraitront étrangères), mais où les silences frappent plus que les mots.
L'histoire nous est narrée par l'employé, Aïst, et il est l'observateur de son patron, Miron, qui raconte comment il a rencontré sa femme, avec des détails assez crus. D'ailleurs, j'ai souvent remarqué dans les films russes que la femme n'est pas toujours bien traitée, et c'est aussi le cas, car elle est limite décrite comme une femme qui a "ses trois trous vierges" avant de rencontrer son mari, qui doit lui être totalement soumise (elle n'a pas eu à choisir de positions sexuelles), et qui, par pureté, doit être lavée à la vodka (!) par son époux. Ah oui, et pour finir, au moment du mariage, elle doit se faire tresser des espèces de boucles sur ses poils pubiens que son mari pourra détacher ! D'ailleurs, il y a un passage avec deux prostituées, on l'on peut y voir d'une certaine façon la vengeance de la femme sur l'homme.
Cependant, au cours du film, on en apprendra plus sur leur histoire, qui avait l'air de tourner au vinaigre. D'ailleurs, la mort de la femme ne sera jamais expliquée, on la verra étendue, nue, dans son lit, avec son mari en train de la nettoyer.
Le film évoque beaucoup ceux d'un autre cinéaste russe, Andrey Zvyagintsev, en particulier au niveau de la photo, signée également par Mikhail Krichman. Il faut dire que la lumière du film, assez hivernale, est magnifique, avec ses paysages quasi lunaires, totalement désertiques, et sur lequel il règne déjà une ambiance quasi mortifère. Le réalisateur, Aleksey Fedorchenko, film également avec de longs plans, souvent silencieux, avec des piaillements des bruants (les petits oiseaux que Aïst a acheté avant le départ) comme bruits de fond.
C'est un film que je dirais assez radical (mais moins qu'un Bella Tarr, tout de même), car au fond, il en se passe pas grand chose. Mais tout est une question d'atmosphère, de se laisser porter par cette histoire assez folle (mais au fond inspirée de la réalité, car le peuple Mérien a réellement existé).
Mais c'est une proposition de cinéma comme on en a peu, et puis ça ne dure que 75 minutes, alors bon, je le recommande volontiers !