J'avais beaucoup aimé le passage qui raconte la traversée dans le roman de Bram Stocker et je m'étais toujours demandé pourquoi il était si peu exploité dans les différentes adaptations que le cinéma avait pu en faire, tant il me semblait puissant et plein de ressources cinématographiques.
Donc sur le papier, qu'un film soit entièrement dédié à ce chapitre avait tout pour me plaire. En pratique, c'est tout de même une grande déception.
J'ai lu que le film bénéficiait d'un confortable budget de 45 million de dollars et pourtant, il ressemble tout à fait à une "fausse grosse production". D'abord ils ont oublié une chose essentielle sur le pont du navire qui n'est rien de moins que le vent. Il n'y a jamais de vent. La mer est en furie, c'est la tempête et il ne souffle pas la plus petite brise. Cela pourrait sembler un détail mais il faut bien comprendre que le film se déroule dans deux décors, le pont du bateau et l'intérieur. Avec cette absence de vent, les scènes de pont prennent tout de suite l'odeur du studio où elles ont été tournées et cela enlève énormément de crédibilité en plus de rendre le film extrêmement statique. Ce qui est terrible, c'est la disproportion des effets de mouvement, par moment, une lampe va bouger énormément pendant que les voiles de leur côté ne bougent pas du tout, ou alors on va voir les marins se promener sur le pont en pleine tempête comme s'ils faisaient le tour du square par un beau dimanche après-midi. Jamais une goutte d'eau ne déborde sur le pont et il est même parfois totalement sec. Tout cela, non seulement contribue à l'impression d'un film bâclé, peu documenté et ne justifiant en rien le budget alloué. Les quelques plans lamentables d'une maquette de navire s'en allant sur les flots dans une lumière à dix balles venant encore renforcer cette impression. Les scènes d'intérieur ne valent guère mieux puisque pour le coup, ils ont oublié le son, c'est à dire, la quantité incroyable de bruits divers que peut produire un navire en bois de ce type. Ici, c'est la croisière pullman tout confort. Pas un bruit, pas le moindre craquement. Bien sur, et c'est le lot de la majorité des films actuels, la lumière est complètement naze, la photo est digne d'un téléfilm et la musique complètement plate.
Alors, avec tout ça, nous voilà loin du compte pour ce qui aurait du être une ode fantastique et sanguinaire à bord d'un vaisseau fantôme. J'ai parfois pensé à Werner Herzog, à sa manière de restituer l'aventure humaine quand elle atteint son paroxysme. Car il manque aussi cela, la substance humaine, la folie grandissante, la peur contagieuse et leur action sur l'homme, comme elle les transforme et les broient. Mais de la poésie romantique spécifique à cette oeuvre, il n'est rien exploité dans ce film. Tout est plat et fade. Les libertés prisent sur le roman sont pitoyables. Ces scènes d'autocombustion ridicules mais aussi le personnage survivant car si le film s'annonce en tragédie, il se dégonfle en sauvant un personnage pour finir comme en amorçant une suite possible. Glouglou, le Démeter s'est écrasé sur les récifs, la tragédie n'était pas dans le film, elle était le film lui même.