"Quelle leçon tirer de tout ça Palmer ?"

Analyser et interpréter un film de Quentin Dupieux se révèle être un acte constant de réflexion métaphysique, car son œuvre dans sa totalité constitue une profonde méditation sur la nature de l'art cinématographique et sa relation au réel. Écrire une critique d'un film de Dupieux, c'est donc prolonger l'expérience cinématographique, car toute forme d'art n'a de début et de fin que dans notre perception collective : le film commence lorsque les lumières s'éteignent et se termine lorsque nous quittons la salle après le dernier plan séquence, comme une construction artificielle qui encadre notre expérience esthétique.

Or, comme le parachève le dernier plan séquence suivant la ligne de chemin de fer, ce sont bien les individus qui donnent au cinéma une conception de finitude et d'encadrement qui n'existe pas en réalité : Dupieux fait partie de ses réalisateurs pour qui le cinéma, c'est la vie. Il n'y en somme aucune distinction métaphysique entre ce film et la scène de dispute dans le RER parisien que nous verrons demain matin en partant au boulot: tout le monde est acteur, donc tout le monde est artiste. Un film ne se limite pas au cadre de la caméra.

Le choix judicieux de prendre des acteurs médiatisés pour leurs belles gueules et leurs propres vices (Dupieux était-il déjà au courant que Raphaëlle Quenard avait des casseroles au cul concernant son comportement avec les femmes? Pour moi oui certainement, et cette scène n'est pas dû au hasard) est donc là pour nous le rappeler: ce n'est à la fois que du cinéma, et en même temps c'est beaucoup plus que ça.

Derrière un énième film "burlesque" se cache (en réalité..) derrière le Deuxième acte, encore un pas de plus dans la réflexion singulière que nous offre Dupieux sur notre vie, notre monde actuel : si le cinéma est par essence conservateur (comme le dit Vincent Lindon, ça ne change rien de faire des films face aux problèmes politiques actuels) car ne peut faire que conserver des images, alors c'est au spectateur de s'en saisir pour s'émanciper avec.

Cela me fait songer à l'incroyable dialogue finale dans "Burn After Reading" des frères Cohen :

" -Quelle leçon tirer de tout ça, Palmer ?

- Je ne sais pas, monsieur.

- Je ne sais pas non plus. Qu'il ne faut pas le refaire, en tout cas."

Ainsi, referons nous les mêmes erreurs habituelles, que soit à notre échelle individuelle, ou à l'échelle collective, quand les rideaux se léveront et que débutera le troisième acte ?

MarinParigi
7
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le 14 mai 2024

Critique lue 33 fois

Marin Parigi

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