Celles et ceux qui sont des fans du cinéma du tourneur en série, Quentin Dupieux, savent que le réalisateur et la mise en abyme... ben, ça fait un. Et le spectacle dans le spectacle (ici, le film dans le film puisque ça tourne autour d'un tournage de... film !) n'est pas un concept pour l'effrayer, mais, au contraire, pour aiguiser une imagination très fertile.
Bon, on a quatre personnages qui promettent de faire partie d'une intrigue de comédie de mœurs dépourvue de la moindre originalité.
Mais le problème, c'est que les acteurs stars vont très vite prendre le dessus sur leur rôle, avec leurs soucis, leur égo, leur opinion par rapport à la médiocrité de ce qu'ils sont en train d'essayer de débiter (opinion qui pourrait rejoindre celle du spectateur en train de regarder !) et par rapport à l'intrigue complètement fourre-tout et confuse (mais, il y a une bonne raison à cela, pour justifier tout ce bordel !), évoquer des sujets bien actuels (comme la fameuse séparation de l'homme et de l'artiste, l'IA, la cancel culture, #MeToo, l'importance dérisoire du cinéma comparé à la gravité de ce qui se passe dans le monde... en résumé, toutes les angoisses que traverse le milieu du grand écran !). Tout ceci sans que le moindre membre de l'équipe de tournage intervienne (même bonne raison que celle susmentionnée pour justifier tout ce bordel !). Il va y avoir des saillies hilarantes, vachardes à profusion, sans interruption.
Mais le problème, c'est qu'un figurant, dont c'est la toute première expérience devant la caméra, va stresser à mort. En ce qui le concerne, les rires sont très proches des larmes.
Pour incarner les acteurs stars, Dupieux a choisi des acteurs stars... quoi de plus logique ? Trois petits nouveaux dans son univers (Louis Garrel, Vincent Lindon, Léa Seydoux !) et un grand habitué (Raphaël Quenard !). Et leur choix est pertinent, car n'hésitant pas à piquer la tête la première dans l'autodérision, égratignant pas mal de l'image à laquelle ils sont liés. Oui... là, je m'adresse particulièrement aux membres du club des détracteurs de Léa Seydoux (dont je fais partie !)... oui, Léa Seydoux, aussi, puisque, sans trop divulgâcher, il y a une séquence (chirurgicale en quelque sorte !) qui semble répondre parfaitement au bien-fondé de sa présence au casting. Les admirateurs de l'actrice rigoleront, ses détracteurs aussi.
Pour incarner le figurant, Dupieux a choisi un inconnu (n'ayant absolument rien à envier en termes de talent à ses partenaires bien plus célèbres, il est important de le préciser !)... quoi de plus logique ? Pas de fiche Wikipédia (du moins, à l'heure où je tape cette critique !). IMDb révèle juste qu'il a joué auparavant dans des courts-métrages et de très petits rôles dans des longs-métrages ou des épisodes de séries. Son nom est Manuel Guillot (enchanté de faire sa connaissance, en espérant le recroiser à l'avenir, d'une manière tout aussi visible... et bravo au cinéaste pour avoir déniché une telle perle !).
Dupieux oblige, le réalisme social est toujours en embuscade (aspect très important dans la filmo du réalisateur !), par son cadre crédible de restaurant au milieu de nulle part, par le biais de bonnes touches vitriolées à l'égard de notre société de maintenant, à l'égard de la superficialité et de l'égocentrisme (humains ou non !) qui règnent dans le microcosme du septième art, par l'intermédiaire de ses membres les plus proéminents. De ce réalisme social, les quatre égos principaux en représentent toute la comédie, le malheureux débutant en représente toute la tragédie.
Puis, on monte d'un cran supplémentaire dans la mise en abyme, pour encore mieux brouiller les pistes, avec la "réalité"... la vraie, enfin celle du film, avec les acteurs qui endossent leur vrai costume, plus factice que le précédent pour un des protagonistes (comme s'il était encore plus faux dans la vraie vie !), et retournent à leur quotidien. Mais, la réalité et la fiction ne sont peut-être pas aussi loin l'une de l'autre qu'elles le paraissent.
Enrobant ce deuxième acte bourré de vérités et révélateur, le tout commence par un interminable travelling, le tout finit par un interminable travelling. La vie, c'est du cinéma. Le cinéma, c'est de la vie. Le cinéma, c'est du cinéma. La vie, c'est de la vie. Bref, le spectacle continue...