La période “navets” de Rush est passée, mais il en gardera toujours la griffe. Avec une certaine affection pour les mises en scène ridicules & les énormités de montage, il livre ici son avant-dernière œuvre (déjà) & l’une de ses meilleures, en plein boom de la représentation directe du cascadeur au cinéma – le stuntman.
Pour ce faire, il va concocter un film dans le film qui s’avère le terreau parfait pour cette paranoïa d’autant plus dérangeante qu’elle est imparfaite. Steve Railsback le cascadeur est emporté dans un thriller qui se transforme en plateau de tournage & dont les frontières sont difficiles à déterminer : film, film dans le film ou autre chose encore, ingenrable, l’œuvre nous fait croire qu’on est fou soi-même comme d’autres pépites psychologiques qui ne sont pas des pépites sur tout (Siesta, L’Expérience interdite…).
Cette inconstance se superpose à une autre qui n’a, quant à elle, pas de rôle ni de bons côtés : des personnages soupe-au-lait, incontrôlés, qui témoignent malgré eux des grandes difficultés qu’a eues Rush à produire les siens (de rushs).
Peter O’Toole échappe à la médiocre direction d’acteurs car ce n’est pas le personnage qui n’en fait qu’à sa tête, mais bien l’acteur lui-même : funambule débridé sur le fil de l’ambiance, il gère parfaitement son rôle (c’est le réalisateur du film dans le film où Railsback est cascadeur, m’voyez) & n’est à aucun moment gêné par le patatoïdisme de l’ouvrage. C’est amusant car il n’a pourtant pas la seule vedette : si Railsback est trop calme sous la main de Rush, il se transforme en acteur total sous celle d’O’Toole, ce Dieu sur Terre qui descend vers ses pauvres pécheurs sur son siège-grue surgissant tour à tour de tous les côtés de l’écran.
En gros, le film & le film dans le film cassent chacun leur quatrième mur, généralement avec la tête du spectateur, de sorte qu’il est mindblown en même temps qu’il apprend la réalité du métier de cascadeur au fil de scènes qui n’ont pas de biplans que les avions. Ha. Je suis en forme, aujourd’hui.
L’inconstance va ensuite partiellement se transformer en parodie. Des motivations sentimentales & professionnelles, pertinentes & impertinentes, vont se mélanger pour former un appareil compact & inattendu où les scènes d’action (BEAUCOUP mieux réglées que dans les créations précédentes de Rush) sont exutoires & jubilatoires.
Forcément, le film dans le film nous fait particulièrement prendre conscience de la manière dont Rush fait ses films – s’il reste une petite place pour une étiquette supplémentaire, on pourrait presque mettre “autobiographie” ou “manifeste”, car comme le dénonce le cascadeur sénior campé par Charles Bail : “all they care about is the story”. Impossible que ça nous arrive devant The Stuntman.
→ Quantième Art