Oui, en effet, je partais dans ce film avec quelques petits handicaps. Bon, il faut me comprendre, dans mon petit village de 763 habitants, il n'y a pas de magasin Prada et dans la galerie marchande de Carrefour, non plus. Petit coup d'œil sur Google et je vois qu'il n'y a pas de grolles à moins de 700 euros (la paire, pour le même prix). Ce n'est donc pas demain que … Bref.
En fait, on s'en fout complètement de connaître ou pas Prada. Le film de David Frankel (que je ne connais pas) présente bien d'autres centres d'intérêt. D'abord, il nous fait pénétrer dans ce monde abscons de la mode par l'intermédiaire de la redoutable rédactrice en chef (Meryl Streep) d'un magazine américain et très en vue, RunWay. Un monde "high Speed" où tout va très vite. La vérité du jour contredit celle de la veille et de toute façon, ne sera plus valable en fin de journée. Autant dire qu'on mesure ici le niveau de superficialité de ce monde qui n'est assurément pas le mien mais dont la vacuité m'a toujours fasciné. Et pourtant, je suis bien convaincu que cette vacuité s'accompagne de mouvements de beaucoup d'argent très volatile. Soit on s'est bien placé et on profite, soit on coule …
Une jeune journaliste fraîchement diplômée (Anne Hathaway) se retrouve embauchée comme assistante de la terrible rédactrice en chef et devra faire preuve de beaucoup d'astuce pour mériter sa croute.
Alors, moi qui ne suis qu'un paysan mal dégrossi, totalement ignare dans le domaine de la mode, quand j'ai vu la miss Hathaway avec son pull tricoté à grosses mailles et sa jupe quelconque face aux autres nanas hyper smart (pour rester poli), je me suis dit, "ça ne va pas le faire" et ça ne l'a pas fait.
C'est d'ailleurs un des points intéressants du film de montrer le point de bascule du personnage : elle n'accepte pas de se renier et refuse de se plier aux diktats de la mode jusqu'au moment où son amour-propre prend le dessus. Ce jour-là, elle comprend qu'il lui faut être reconnue, elle rend les armes, s'éloigne de ses proches mais s'investit à fond dans le job H24.
Un autre point intéressant est une conséquence de ce monde artificiel où les places ou les positions sont chères et surtout éphémères. Dans ce monde essentiellement féminin, tout le monde s'observe, se jauge, se jalouse et jouit de la faute de l'autre libérant une possible nouvelle opportunité de carrière. L'ambiance est exécrable. Je suis bien convaincu que cela ne doit pas être loin de la réalité.
C'était les points forts du film. Cependant le réalisateur, qui s'inspire d'un roman best-seller semble-t-il, reste trop dans le registre de la comédie en ne développant que les vacheries des autres collègues et de la rédac 'chef. C'est déjà pas mal de voir la mentalité des collègues entre eux. Mais j'avoue que j'aurais bien aimé un peu plus de noirceur dans le scénario, des conséquences un peu plus dramatiques de ce monde de brutes ou de salopes, au choix. Le film est un peu trop lisse.
Meryl Streep est glaçante dans le mépris qu'elle voue à ses collaboratrices terrifiées et soumises. Anne Hathaway me parait, au contraire, un peu trop accommodante. Mais son sourire, craquant, lui, emporte l'adhésion.
"Le diable s'habille en Prada" est une comédie, bien jouée, agréable à regarder même s'il ne faut pas y chercher un chef d'œuvre, ni trop de profondeur.