Film très étonnant et poignant, je suis avant tout aller le voir car je connais très bien la pièce de théâtre dont est tiré le film, Martyr de l'auteur allemand Marius von Mayenburg. Ayant moi-même interprété le rôle principal de Benjamin au théâtre, c'est avec grande surprise et admiration que j'ai reconnu la globalité de la trame dramatique ; en effet, l'ensemble des scènes est conservé, on retrouve les mêmes personnages avec quelques modifications (le proviseur devient ici une femme et est secondée par une prof d'histoire) et les paroles de la Bible sont accompagnées des références exactes comme dans la pièce. La mise en scène, bien que simple, recèle de trouvailles très justes dans les interactions qui ne sont nullement fournies dans le livre. Cela apporte une richesse et un approfondissement à chaque situation, à chaque relation. Dans ces décors ternes voire pauvres, le réalisateur Kirill Serebrennikov a su tisser les fils d'une histoire très actuelle, qui s'inscrit aisément dans tout pays occidental. Le sujet porte à réflexion et ne peut laisser indifférent, surtout dans le contexte actuel où le fanatisme religieux ne semble se poser que pour l'islam. La pièce de Mayenburg, et Le disciple donc, viennent remettre le spectateur face à ses convictions infondées et lui pose le problème à l'envers par le biais du christianisme et d'une radicalisation violente et soudaine. Les paroles de la Bible que citent Ben sont détournées dans le but de rentrer en conflit et de semer le désarroi dans son entourage. Le film n'oublie pas les autres thèmes abordés comme ceux de l'éducation, de la recherche d'identité sexuelle, de la monoparentalité, le rapport à l'église dans le milieu scolaire,... L'investissement émotionnel du jeune acteur Pyotr Skvortsov est remarquable face à une telle conviction. Le réalisateur a eu la brillante idée de faire des plans séquences d'une longueur identique à celle des scènes de la pièce, mettant ainsi les acteurs dans un rythme théâtral. La photographie très minimaliste mais efficace, joue beaucoup avec les reflets du soleil et apporte beaucoup de cachet à ce film qui n'a pas du avoir un très gros budget. Malgré cette fidélité flagrante et cette adaptation forte, j'ai été surpris de cette volonté hyper réaliste du réalisateur qui a mis de côté l'humour qui foisonne dans la pièce mais qu'on ne retrouve pas dans le film. L'humour permet de prendre de la distance avec la véracité du propos mais le Le disciple, par ce manque, devient sombre et dur, ce qui dommage. Je ne sais pas si c'est la langue russe qui m'a provoqué cet effet mais j'ai eu l'impression que le film pouvait aller plus loin, que l'interprétation aurait pu être plus explosive, plus débordante d’extrémisme, que ce soit pour le personnage de Ben ou celui de la professeur de biologie dans la scène finale. J'ai adoré voir cette pièce adaptée au cinéma mais il me manquait le brin de folie que laisse entendre le texte de Maybenburg, dont le questionnement accrue sur notre société est inévitable.