Centré sur la culture britannique, notamment sur la royauté et ses doctrines, Tom Hooper dénoue une problématique qui touche tout individu, possédant un blocage qu’il se doit de dominer pour avancer. Le contexte veut que le bégaiement d’un futur Roi lui ampute de sa crédibilité et de son respect, qu’on devrait lui accorder en tant que personne, malgré tout. Aborder cette condition sous une forme de maladie a de quoi adoucir l’approche, et cela répond à de nombreuses phobies que tout orateur occasionnel se doit de prendre en compte. Bien évidemment, il est fortement conseillé de se lancer dans une lecture en version originale, rendant ainsi justice à la performance de Colin Firth dans le rôle du Roi, mais cela apporte également une dimension plus crédible et réaliste de la maladie, tout comme les nuances que l’on apprend à son sujet.
On ouvre avec toute cette problématique, induisant l’importance pour le profit personnel et la responsabilité commune dans un discours disfluent. On prend alors l’occasion de nous présenter le duc d’York, dans l’ombre de son père le Roi et de son frère Edward VIII (Guy Pearce). Le récit l’installe alors dans une situation inconfortable sous différents formats. La lutte contre son bégaiement est un handicap qui le rabaisse peu à peu, tout comme son tempérament impulsif et peu commode, indigne de la royauté qu’il symbolise. Il se referme ainsi à toute résolution, car la peur le guette et le premier facteur qui le boque autant est un conflit interne qu’il a envers son image. Seule son épouse (Helena Bonham Carter) soutient sa peine et propose de palier à sa « maladie » que tout son entourage juge au premier abord. Le fait de restreindre les interactions à la noblesse ajoute une pression supplémentaire, du fait de la responsabilité que l’on incarne et on le comprend assez vite. Sa famille ou bien l’Archevêque n’hésitent pas à le lui rappeler. Il ne demande rien, il pensait passer une vie paisible dissimulant son mal, mais il vient toujours un moment où il faut affronter ses faiblesses, et pourquoi pas les dompter pour les transformer en force ?
Assez rapidement, nous faisons la connaissance d’un thérapeute aux méthodes peu orthodoxes, mais qui s’avèrent payantes en un sens. Lionel Logue (Goeffrey Rush) aide ainsi son altesse dans une totale modestie et envie de réussir dans son pari. Il le place ainsi comme son égal, l’appelant Bertie, et peu à peu une relation de confiance s’installe entre eux. Cependant, il est inévitable de signaler un soupçon de relâchement dans une motivation saccadée par la vie privée. Logue use ainsi d’astuces pour aider le duc à comprendre d’où vient le mal qui lui colle à la peau. Le souci du bégaiement n’est alors qu’un détail à la vue du réel problème qui le préoccupe réellement. La confiance en soi est la clé de voûte qu’il doit acquérir afin de gérer la mécanique de son élocution. Passé un certain âge, on devient un homme. La maturité doit pouvoir restreindre les jugements sur sa propre personne. C’est ce que vit le duc en s’écoutant parler, il se jugeait. Ainsi, il devra se défaire de ce jugement qui gouverne son tempérament. Il doit renouer avec l’enfance qui n’a pas été aussi glorieux qu’il l’a vécu, malgré le rang qu’il occupe.
Vient ensuite le moment fort du film. Le fameux discours de George VI à l’aube de la guerre est une transition importante pour le moral du peuple, représentant une grande majorité de la population mondiale. L’exercice pour cet homme est de peser chacun de ses mots, sans que son bégaiement ne lui fasse défaut, afin de rester crédible et afin qu’il puisse enfin honorer son peuple de son statut de leader et d’espoir. Chaque mot devient une révélation, chaque mot devient un espoir, chaque silence se transforme en émotion et il n’y a plus qu’une voix pour tous les guider. On ne manquera pas une brève comparaison avec un autre grand orateur de l’autre côté de la manche, qui menace la stabilité d’un monde aux portes de sa haine et sa terreur. De même, les apparitions de Winston Churchill sont fortement rafraichissantes, en connaissant le personnage et ce qu’il induira par la suite.
Ainsi, il est reconnu comme Roi et la fierté d’avoir surmonté un obstacle est justifiée par un mental rudement mis à l’épreuve. « Le Discours d’un Roi » symbolise alors une thérapie hors du commun, où une complicité se dresse pour vaincre les préjugés. Et par le biais d’une véracité historique, l’intrigue y parvient et réussit à faire jaillir l’émotion à chaque moment de faiblesse du Roi, alors qu’il se démène avec effort pour la canaliser en force et en caractère. Cela ne manquera donc pas de nous surprendre, mais la simplicité de la mise en scène l’emporte sur ce qui est à la base l’autobiographie d’un fait, que l’on jugeait anecdotique. Et pourtant le retour émotionnel comble tout bonnement la plus belle des morales, accompagnée d’un message de courage des plus singulières.