Le Discours d'un roi par Ripailloux
Le Discours d'un roi aborde un thème qui n'est pas vraiment simple à mettre en scène. En effet, comment illustrer au travers d'un film un sujet qui semble finalement assez peu passionnant sur le long terme, et lui donner assez de dynamisme et d'intérêt sur deux heures.
Tom Hooper a du se poser cette question, et je pense qu'il en a trouvé la réponse.
En effet, Le Discours d'un roi est pour moi une très belle réussite. Hooper nous pond ici un film de très grande qualité, qui continue de me faire penser que 2011 sera une très bonne année cinématographique. Mais revenons-en au fait. Dès le début, Le Discours d'un roi nous sert sur un plateau tout ce qui fera le film.
Nous pourrions presque penser à une ouverture, comme en opéra, lorsque au début de l'œuvre, il n y avait qu'un mouvement symphonique afin d'installer les thèmes, l'ambiance, mais pas encore de chant. Ici, c'est un peu pareil. L'ouverture du film est très musicale. Le long de ces quelques premières minutes, les enjeux sont très partiellement décrits. On découvre la femme du futur roi, son bégaiement, la situation familiale très sommairement, et surtout ce sentiment très dur, très difficile, que ressent "Bertie" tout le long du récit.
Une très bonne entrée. La première allocution est d'ailleurs un moment très intense, dans lequel je me suis senti gêné, ça a très bien fonctionné chez moi.
Mais je ne vais pas décrire une par une les scènes, et je vais sommairement essayer d'expliquer pourquoi j'ai tant aimé ce film.
Déjà, par sa qualité d'acteurs. Colin Firth est remarquable, ultra crédible dans son rôle de bègue, il est tragique, pathétique, et nous emporte. Helena Bonham Carter est un contrepoids indispensable au pathétisme de Firth, elle apporte une certaine fraîcheur qui permet de respirer un peu. Enfin, Geoffrey Rush est terriblement amusant, l'acteur colle à la perfection au personnage, et au final, même les moments les plus tragiques avec lui sont tout autant réussis que lorsqu'il doit juste "amuser la galerie".
L'histoire en elle-même, la mise en place des enjeux, et leurs dénouements, m'ont bien convenus aussi. Ce n'est pas je pense la plus grande force du film, elle contient quand même quelques défauts, une certaine facilité parfois, peut être, presque une banalité. Il y a assez peu de surprises finalement dans le récit, les personnages sont à leurs places, les problèmes résolus de façon assez basiques, et dans l'ensemble tout est un peu cousu de fil blanc.
Mais la sobriété du récit, ce côté presque pudique, cette honnêteté je dirais, permet de se sortir de ce qui aurait pu être un défaut majeur, et nous rend bien plus indulgents.
La mise en scène est par contre une des plus belles que j'ai vu récemment. Tom Hooper cadre ici à la perfection. En effet, il installe un décalage constant dans sa réalisation. C'est très visible lors de la première scène dans le cabinet de Logue. Colin Firth est toujours cadré sur la gauche, jamais au milieu. Et de manière générale, tous les personnages principaux sont cadrés de façon un peu décalés, peu conventionnelles. Et ce qui pourrait ne pas avoir d'intérêt, souligne en réalité le décalage que ressentent ces personnages par rapport à la monarchie, à la vie d'un roi, au regard des autres aussi... Et la symétrie parfaite de la majorité des décors (l'escalier en bois dans le palais du père mourant, l'abbaye) soulignent encore plus ce décalage. En installant des personnages asymétriques dans des lieux symétriques Tom Hooper amène le créer.
La mise en scène qui prend aussi quelques libertés très sympathiques. Comme ce brouillard un peu étonnant qui couvre la ville de Londres de manière quasi-permanente. Brouillard qui sans doute tente de nous faire ressentir le basculement de l'Angleterre dans l'horreur et la peur de la guerre.
Certains travellings sont également très étonnants, avec un mouvement de caméra assez nerveux, comme lorsqu'elle suit de face le couple du futur roi George VI descendre les marches de son petit palais. Lieu superbe d'ailleurs par son asymétrie encore une fois. Ce n'est pas le palais du roi, mais simplement celui de Bertie, il est donc normal que ce lieu n'ai pas cette convention de la monarchie.
Ce palais qui sera d'ailleurs gratifié d'un plan incroyablement vertigineux vers les 3/4 du film, superbe.
La musique, composée par Alexandre Desplat, qui commence à se faire un sacré nom, et qui est doué il faut bien le dire, est très réussie. Par moment, on croirait entendre du Joe Hisaishi à la sauce anglaise. Les musiques classiques ajoutées au film sont également bien glissées, sans qu'elles soient omniprésentes elles apportent un caché supplémentaire indéniable. Les décors sont très judicieusement choisis. Ils apportent tous quelque chose de supplémentaire, de crédible et ont tous une certaine signification.
L'esthétique du film vous m'aurez compris est donc à mes yeux excellente.
En bref, et même si j'ai du oublier pas mal de trucs, Le Discours d'un roi est pour moi un très grand film. Il confirme une année 2011 très prometteuse, et surtout est un grand moment de mise en scène, parfaitement réalisé par Tom Hooper, et interprété magistralement par Colin Firth notamment. Il mériterait certains des oscars pour lesquels il est nommé celui-là !