Dès les premières minutes du film, le sujet est posé : tiens, un homme qui a du mal à parler. Je dirais même qu’il bégaie. Tiens, ce n’est pas comme si je venais de terminer ma journée d’orthophoniste…!
Pendant tout le visionnage, je me suis alors trouvée balancée entre ma curiosité de spectatrice et le regard professionnel…
Le bégaiement est rarement pris comme sujet principal d’un film. On relate ici l’histoire vraie du roi George VI, grand bègue, qui accède au trône par obligation. Bègue. « Bègue » est d’ailleurs un terme assez péjoratif qui désigne une personne qui a grandi, qui s’est constituée avec son bégaiement. Certains le vivent bien. Pour les autres, nous préférerons dire « une personne qui bégaie »…
Le film montre des aspects très intéressants du trouble. Par exemple, le bégaiement n’est pas que la répétition de syllabes, comme « je je je voudrais une babaguette », ni les blocages, accompagnés de fortes tensions, audibles sur certains mots, comme « Pp… pp… paul ». Le bégaiement, c’est aussi et surtout ce qui ne se dit pas. Et c’est bien le problème de Bertie qui ne peut dire les choses comme il le veut alors qu’on attend de lui des discours.
On note aussi la façon de communiquer du père assez frappante, puisqu’elle cumule en gros tout ce qu’il « vaut mieux éviter » face à une personne qui bégaie. Les « dépêche-toi, sors ce que tu as à dire, respire, détends-toi » conduisent en effet rarement au résultat attendu…! Cependant, il est important de savoir que ces injonctions ou conseils ne peuvent être considérés comme « causes » du trouble.
Il est intéressant enfin d’observer comment est née notre discipline. A l’origine, l’orthophonie visait le « redressement de la parole » qui sonne légèrement sévère et violent… Notre Lionel Logue est quand même super cool et a le tact qu’il faut, déjà en 1925, et c’est pourquoi ça marche !
Un film qui m'a amenée à pas mal de réflexions ce mardi soir. J’ai juste eu un peu peur de l’image de guérison « magique » du bégaiement qui pourrait rester dans les esprits à la fin… « Mais… qu’est-ce qu’il a fait, Logue, en fait ? » ^^
Bref, osez bégayer (comme Colin Firth qui le fait si bien au passage) !!!
critique publiée sur http://critique-ouverte.blogspot.fr/2011/01/une-orthophoniste-face-au-discours-dun.html