Pour son premier film en tant que réalisateur, Pierre Richard s’est entouré de gens de confiance avec lesquels il était sûr de faire mouche : Alain Poiré et Yves Robert. Pari en partie réussi, mais en parti seulement. Si le film à son époque fut un grand succès et lança vraiment la carrière de Pierre Richard et reste au demeurant sympathique, il accuse aussi son âge, un certain amateurisme et une direction d’acteur quelque peu bringuebalante.
Le Distrait raconte les aventures d’un certain Pierre (Pierre Richard), distrait en permanence, qui ne fait jamais attention à rien, et provoque catastrophe sur catastrophe. Il rejoint l’équipe d’un publicitaire renommé (Bernard Blier) et tente d’imposer ses idées révolutionnaires mais dont les résultats sont systématiquement désastreux. Torturé par son désir de le renvoyer et la promesse qu’il a faite à la mère de Pierre (Maria Pacôme) de le garder, Bernard Blier va donc devoir trouver une solution face à cet encombrant distrait, tombé également amoureux de Marie-Christine Barrault.
L’histoire est mince mais elle importe peu, elle n’est jamais qu’un prétexte pour Pierre Richard d’accumuler gag sur gag, les situations rocambolesques, les quiproquos maladroits. Parfois cela fonctionne (le gag récurrent de « gazou, gazou », surnom que Pacôme donne à Blier dans leurs ébats amoureux et adultérins, la très bonne soirée mondaine largement perturbée par Richard et ses facéties, la scène d’introduction où croyant monter dans un taxi, il monte dans une voiture de police…) et d’autres moins (le yoyo entre deux ascenseurs : long et inutile ; la table pliante et les oiseaux chanteurs : pas très drôle, surjoué ; la cabine où les gens s’encastrent…) voire franchement nulle (le repas de famille : grotesque. On se croirait dans un mauvais Mocky…). Faute à un manque d’innovation et d’assurance je pense. Richard fait trop de chose dans ce film : scénario, réalisation, vedette, montage. Et il ne peut tout gérer efficacement, d’où un délitement de l’intrigue, qui s’étire en longueur et un manque de rythme flagrant.
Les comédiens sont inégaux : Richard est plaisant (pourvu qu’on aime son style d’humour), Blier parfait, Pacôme délicieuse et Barrault charmante. Pour le reste, eh bien les faire-valoirs du cinéma franchouillard des années 70 font ce qu’ils peuvent mai se débattent vainement devant une caméra qui ne les dirige guère. Dalban et Préboist, notamment, déçoivent. Dommage : ils peuvent être excellents.
Le grain de l’image a vieilli, de même que le style de réalisation, déjà peu inspiré à l’époque. Les lumières sont fades, les plans classiques. Rien de révolutionnaire ne transparaît. Les meilleurs scènes sont les publicités que tourne Richard. Elles méritent vraiment le détour : mordantes, empruntes d’un humour grinçant et même franchement noir par moment, elles dénotent une vraie efficacité publicitaire, de mauvais goût certes, mais franchement parlante. Dommage que le reste du film (très bon enfant), ne soit pas du même ton.
Cela étant dit, le film reste sympathique et se regarde sans déplaisir non plus, juste un peu d’ennui qui tenaille, de temps à autre. Pierre Richard sera bien mieux employé par Francis Veber sur des films comme Le jouet, ou surtout sa trilogie composée de La Chèvre, les Compères, les Fugitifs) avant d’être boudé par le public et oublié du cinéma. Pourtant bon comédien, Richard restera marqué par un style de cinéma, typique des années 70 et surtout 80, c’est-à-dire d’une autre époque sur laquelle on jette un regard nostalgique, mais guère plus.
C’est typiquement le cas du Distrait.