On l'a un petit peu perdu de vue mais Edouard Molinaro, qui a enchainé les succès à partir de comédies, a commencé sa carrière de réalisateur par faire des polars. Il en est ainsi de "le dos au mur" qui est son premier film, dont le scénario est écrit par Frédéric Dard d'après son roman (que je ne connais pas) "Délivrez-nous du mal".
Le sujet, c'est la vengeance d'un mari trompé si on veut rester dans le registre noir. Mais ça pourrait être la reconquête de son épouse si on veut accorder un aspect positif au film.
Pour un premier film, c'est un film remarquable.
D'abord, le titre qui ne "spoile" rien. Puis, le début sensationnel. Au sens premier du terme, "de nature à faire sensation".
Un gros quart d'heure, la nuit, en silence, on voit un homme en imperméable clair rouler en voiture, puis suer "sang et eau" pour transporter en catimini un cadavre. À peine si on entend un mot ou deux.
Puis, le même homme, toujours en imperméable mais, cette fois-ci propre : c'est le début d'un long flash-back, les acteurs retrouvent leur voix et la BO, légèrement jazzy, of course, peut commencer.
Le spectateur se met à commencer à comprendre et est, de facto, solidaire de cet homme sans trop savoir pourquoi, d'ailleurs. Du grand art. À Molinaro, maintenant, de se démerder pour que le spectateur reste fidèle (Oh, le vilain jeu de mots) et solidaire du "déménageur" de cadavre. Pour ma part, il a parfaitement réussi …
1958, on est dans la grande tradition du film noir importé des USA. En assistant de réalisation, Claude Sautet… Évidemment.
Le casting …
Le fameux bonhomme cité plus haut, c'est Gérard Oury, le futur réalisateur des meilleures comédies des années 60. Il est parfait, ici en homme meurtri qui s'est construit un objectif coûte que coûte et qui s'y tient.
L'épouse ? C'est la femme fatale. C'est Jeanne Moreau. On l'a déjà vu en salope toxique dans "touchez pas au grisbi", en femme désemparée dans "Ascenseur pour l'échafaud". Ici elle est parfaite dans le rôle de la femme qui mène un double jeu. Excellente.
L'amant ? Philippe Nicaud dans le rôle d'un être instable, artiste. Petite envergure. Le négatif du personnage de Gérard Oury.
Mais j'ai beaucoup aimé revoir cette actrice qui fait peu parler d'elle mais qui joue très bien dans de nombreux registres et de nombreux films : Claire Maurier. Ici, elle joue le rôle de l'amie et de l'ex de l'amant. Un grand moment du film, c'est la discussion "entre femmes" de Claire Maurier avec Jeanne Moreau.
Parmi les seconds rôles, n'oublions bien sûr pas Jean Lefebvre dans le rôle d'un détective privé miteux (sorti tout droit des polars américains) : très bien aussi …
En conclusion, un scénario précis, des acteurs excellement embringués dans une roue inéluctable, "le dos dans le mur" augure un bon début de carrière de Molinaro.