J'assume
Amélie Poulain, je défends sans honte. Comme Unfinished Sympathy de Massive Attack, ce film a le don de me mettre dans une petite bulle. Quand j'en ressors, je peux découvrir une cure contre le...
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le 26 oct. 2010
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La première fois que j’ai vu Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, en projection privée au boulot, j’étais un jeune homme amoureux, passionné de cinéma, avec la vie devant lui et qui venait de quitter son appartement voisin des Batignolles pour s’installer, en couple, à quelques kilomètres d’Enghien-les-Bains, je mangeais alors Paris avec l’avidité ambitieuse des jeunes hommes pleins d’avenir, et le film m’a emporté dans le confort d’un bonheur que je dessinais avec celle-là que j’aimais, et nous voyions le film ensemble, comme une promesse avec l’amour de retrouver l’insouciance désuète et vieillotte de nos enfances perdues, enfermées dans les petites boites de l’adolescence qui se prend pour l’âge adulte. Aujourd’hui j’ai déchanté. Trois gamins, un divorce, des errements professionnels et personnels qui m’ont amené à Calais, loin des identifications que je projetais à l’époque sur le bonheur de Nino et d’Amélie. Les petits bonheurs existent toujours, grâce aux enfants surtout, mais ils s’éparpillent dans un quotidien dont le décor est loin de ressembler à celui du village parisien ensoleillé d’Amélie Poulain.
Pourtant, quinze ans plus tard et au moins autant de visionnages, les larmes me reviennent toujours aux mêmes séquences, je me retrouve emporté par la même béatitude, empli d’amour pour Amélie et toutes les autres, preuves que
Toujours friand des engrenages, des jeux de causes et conséquences et autres battements d’ailes du papillon, Jean-Pierre Jeunet retrouve un Paris de cartes postales pour conter le cycle immuable de la vie, cette magie née de l’amour qui toujours trouve son chemin dans le chaos du monde. D’un instant de bonheur à un autre, Jean-Pierre Jeunet déroule la fable sur des constructions artificielles aux équilibres fragiles, où tout s’enclenche au millimètre.
Sur les chapeaux de roues dès l’ouverture avec la simultanéité de plusieurs instants anodins à travers la capitale, jusqu’à la fécondation d’un ovule d’Amandine Fouet par un des innombrables spermatozoïdes de Raphaël Poulain, genèse originelle du fabuleux destin qui s’annonce. Naissance, enfance entre deux parents rigides et désemparés, déclinés sur le principe de Foutaises, j’aime et j’aime pas illustrés, voix-off et isolement de la gamine, la petite Amélie semble souffrir du cœur : manque de tendresse et d’affection. Jean-Pierre Jeunet continue ici de développer
les petits riens qui font des petits sourires, nous invite à devenir « sensible(s) aux petits charmes discrets de la vie ».
Mais Amélie grandit. Le quotidien tue les rêves d’enfants, tout le monde n’est pas gentil et bienveillant. Pourtant la jeune fille porte partout sa bonté, jusqu’à restituer à un inconnu une vieille boîte à secrets retrouvée chez elle, et « si ça le touche, c’est décidé, elle commence à se mêler de la vie des autres ». Premières larmes dans la cabine de la rue Mouffetard et c’est parti, le déclic, Amélie s’épanouie de ce bonheur qu’elle a su créer. La voilà prête à transformer tous les petits bonheurs anodins en une grande et infinie plage de félicité.
La frénésie de la séquence à l’aveugle raconte le tourbillon, l’enivrement profond.
Ça n’est pas suffisant. Il lui manque quelque chose. Quelqu’un.
« Elle aime bien ça, les stratagèmes. »
Incapable d’affronter le monde, Amélie manipule. Tire des ficelles autour d’elle. Rapproche les âmes seules, ressuscite des lettres disparues. Pour punir la méchanceté de l’épicier, elle traficote les détails de son appartement et dérègle insidieusement la mécanique bien réglée du commerçant, se fait le grain de sable invisible dans son quotidien. Mais son chef-d’œuvre, trouve son essor dans sa timidité maladive pour satisfaire son amour naissant et hésitant. Il lui faut apprendre à dépasser la peur de se briser pour arrêter de contourner l’évidence et se montrer, lâcher les ridicules engrenages de ses petites manipulations pour se laisser entraîner dans la grande mécanique de la vie, souvent chaotique et angoissante mais parfois harmonieuse à l’inattendu. Il lui faut s’occuper d’elle, avec le même courage et la même détermination qu’elle déploie à satisfaire les autres.
Jean-Pierre Jeunet livre ici son chef-d’œuvre.
entièrement composé du cinématographe à engrenages qu’il adore décortiquer, et centré sur la question essentielle de son travail, l’idée qui l’habite et qu’il ne cesse de répéter : le bonheur est fugace certes, mais être heureux profondément passe par cette acceptation car une fois cette évidence comprise, il ne suffit plus que de reconnaître et de profiter de ces rares instants et de les partager, en famille, sur les murs, en peinture ou en voyage, à la découverte de l’autre, pour les multiplier. Alors seulement on devient créateur de son propre bonheur, capable d’amour et de magie.
Capable alors de relancer la machine de nouveau, et de créer la vie.
Jean-Pierre Jeunet crée la vie sur celluloïd, et choisit d’en faire des fables, des contes, choisit de partager sa trouvaille avec le plus grand nombre, conscient que c’est d’amour et de sourires que nous avons tous besoin, de tendresse et de compréhension. Jean-Pierre Jeunet affabule et nous émerveille. Jean-Pierre Jeunet bricole des ficelles en tous sens dans Montmartre er tricote des séquences magnifiques de cinéma, les imbrique, les emboîte sur un rythme de valse musette qui tourne sans arrêt, tourne la tête, légère légère, et nous entraîne étourdis dans la valse narrative et romantique du fabuleux destin de la magie sans cesse renouvelée de l’amour.
où la niaiserie est indispensable au chant charmant.
L’apothéose des petites mécaniques de rien qui font le bonheur anodin. Fabuleux.
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le 26 déc. 2015
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