C'est le 15 août dans une Rome déserte que Roberto,étudiant en droit sérieux et timide,rencontre par hasard Bruno,un trentenaire qui est sa parfaite antithèse.Grande gueule infernale,dragueur compulsif,tapageur et frimeur,à l'aise en toute circonstance et avec tout le monde,provocateur et agressif,chauffard impénitent,c'est la caricature ultime de l'Italien tel qu'on se le figure.Le jeune homme,d'abord effrayé puis excédé par le personnage,se laisse cependant embarquer dans la voiture peu fiable de l'encombrant Bruno pour un road trip à travers l'Italie.Au fil de la route,ces deux types aux caractères et aux comportements si opposés vont bizarrement se lier d'amitié,apprendre à se connaître et déteindre l'un sur l'autre,quoique ce soit surtout le plus vieux qui influence le jeune.Grand classique de la comédie transalpine,cette production franco-italienne est dirigée et écrite par l'immense Dino Risi,qui en a coécrit scénario et dialogues avec les pointures que sont Ettore Scola et Ruggero Maccari.L'équipe technique est de qualité,avec une musique percutante de Riz Ortolani,une superbe photo noir et blanc d'Alfio Contini aux contrastes magiques,et un montage fluide et serré de Maurizio Lucidi,qui passera trois ans plus tard à la réalisation.Le début du film est incertain,on ne comprend pas trop pourquoi Roberto est si passif et suit docilement cet énergumène,lequel semble vraiment too much dans son extraversion.Peu à peu on discerne la fascination qu'exerce le "fanfaron" sur son timoré cadet.L'étudiant s'ennuyait un peu dans sa vie sage et accepte finalement les leçons de vie de l'olibrius déchaîné qui est ravi de dispenser son expérience de l'existence et ses théories bien affirmées à son compagnon de route.Roberto en arrive à prendre Bruno pour modèle et à vouloir lui ressembler,mais si lui manque de recul et se montre naïf,le spectateur en revanche détecte vite la nature d'un mec beaucoup moins brillant qu'il n'en a l'air.Sa belle bagnole déconne,ses tentatives de séduction n'aboutissent pas,son irresponsabilité automobile lui vaut des embrouilles avec la police et quelques gnons distribuées par des usagers de la route mécontents,et il n'a clairement pas un rond,tapant sans cesse son coéquipier résigné.On sent derrière l'aspect rutilant et conquérant le pauvre mec minable,fauché et plus ou moins escroc.Les deux hommes sympathisent,font des tas de rencontres agréables ou pas,allant jusqu'à se présenter leurs familles,scènes-clés du film.La fine écriture des auteurs nous promène à travers les magnifiques paysages de l'Italie profonde et dans la profondeur des âmes.Roberto a toujours vécu dans une bulle et appréhende mal les réalités.Ses souvenirs d'enfance s'avèrent erronés et il n'a rien vu de ce qui se passait autour de lui,ignorant des choses que Bruno,avec son sens de l'observation typique des margoulins,comprend en quelques minutes.Quant au passage dans la famille de Bruno,il confirme que le gars n'est qu'un raté beau parleur.Son épouse,avec qui il ne vit plus depuis longtemps,est visiblement fatiguée des rodomontades du mec,et leur fille,une jeune adulte,a souffert de son absence au point de sortir avec un riche plus vieux que son père,au grand dam de celui-ci,macho réac dont l'indignation a ses limites dès qu'il est question d'argent.Du reste,le personnage de Bruno a de quoi filer de l'urticaire à tout woke bon teint qui s'égarerait devant cette toile.Il roule comme un taré,il fume clope sur clope,il saute sur toutes les nanas,il picole sévère,il se fout de la gueule d'une auto-stoppeuse noire ou d'un domestique homo,la totale en 90 minutes.Bien sûr on est dans le cadre de la mythique comédie italienne de la grande époque,quand la rigolade débridée flirtait avec le drame absolu,et tout ça se terminera très mal,avec une implacable sécheresse.Notons en outre la qualité des séquences de délits routiers,même si sur les plans rapprochés les transparences sont visibles.Vittorio Gassman était évidemment l'acteur idoine pour incarner ce matamore totalement décomplexé et il s'en donne à coeur-joie,mêlant flamboyance et veulerie avec un extraordinaire sens du jeu.Jean-Louis Trintignant est formidable de subtilité dans un rôle de clown blanc plus en retrait mais où il déploie une belle efficacité,donnant une vraie épaisseur au personnage.La très jolie Catherine Spaak intervient peu mais bien en fille résignée d'un père décevant.Les autres comédiens sont moins connus mais tous parfaits dans leurs emplois.Luciana Angiolillo fait preuve de classe et de dignité en ex sans illusion,Claudio Gora est amusant en sugar daddy plein d'aplomb,Mila Stanic,la fille de la gare,est d'une beauté magnétique,et la danoise Annette Stroyberg,ex femme de Vadim qui entretenait alors une liaison avec Gassman,apparait vite fait en touriste allemande.Note et critique de film de Dino Risi publiées précédemment:"Les monstres"-7.Moyenne:7.