Tourné entre The Man who knew too much et Vertigo, The Wrong Man fait figure, au choix, d'anomalie ou de petite respiration dans la filmo de Hitchcock. Loin, très loin de la puissance formelle de ses deux chefs d'oeuvres sus-mentionnés, le maître s'aventure en terrain intime pour sa dernière commande livrée à la Warner. Et si on peut aisément comprendre à quel point l'édifiante histoire de Manny Balestrero a pu fasciner le réalisateur, le traitement qu'il lui accorde ne convainc qu'à moitié.
Cette moitié, c'est incontestablement la première. Hitchcock y expose, dans un style quasi documentaire, aussi froid que clinique, la lente humiliation d'un homme contre lequel tout semble se retourner. Avec une efficacité de tous les instants et un sens de la tension particulièrement scotchant, il nous plonge progressivement dans un cauchemar apparemment sans fin qui va mener Manny au désespoir et à l'incrédulité, tandis que sa femme sombrera dans la culpabilité et la résignation.
Mais dès lors que le couple explose, l'intérêt du film se délite. Le rythme se fait plus languissant voire mollasson, et on reste finalement en surface dans l'exploration des bouleversements psychologiques subis par les deux protagonistes. Le suspense se dilue assez tôt et la fin, atrocement bâclée, peine à se montrer à la hauteur des enjeux que représente une telle histoire dans la vie d'une famille.
Cela n'empêche pas The Wrong Man de conserver un certain "charme", et sa place dans la chronologie hitchcockienne n'y est pas étrangère. En épurant son cinéma, en revenant à l'essentiel, en faisant l'impasse quasi totale sur les folies visuelles, en se laissant aller à une surprenante noirceur à peine gâchée par quelques élans prosélytes, Hitch prouvait là sa capacité inébranlable à surprendre dans tous les registres, à se réinventer et à se mettre en danger.