Comme Charlie Chaplin au pays de l'Oncle Sam, Ozu aura mis du temps pour entamer sa transition du cinéma muet au parlant, ce qu'il fera finalement en 1936 avec Le Fils Unique.
Ce premier film parlant d'Ozu n'est pourtant pas généreux en dialogue, le silence est important et le cinéaste continue d'être dans la suggestion. Il continue d'explorer certaines de ses thématiques de prédilections, à commencer par le contraste entre la ville et la campagne, le sacrifice ou encore les relations entre les générations. C'est aussi un film sur le temps qui passe, et s'il s'attarde peu sur la période 1923, on ressent toute une mélancolie, voire le bilan d'une vie lorsque la mère découvre la vie de son fils douze années plus tard.
C'est aussi la vision d'un Japon d'avant-Guerre qu'il propose, avec une industrialisation croissante et une ville de Tokyo qui évolue vite, tellement vite qu'on ne la reconnait plus. L'histoire est simple et Ozu prend le temps de bien nous montrer des séquences de quotidien, comment ces gens sont affectés par ce que pense l'autre, et à quel point la situation sociale (et l'image qui en découle) est importante. Le film est beau par ce qu'il dit, l'image de cette mère qui sacrifie sa vie pour son fils notamment, et Ozu reste dans un registre intimiste, voire minimaliste.
Si on a très vite de l'empathie pour la mère, peu d'émotion ne se dégage de Le Fils Unique, et on regrettera aussi des transitions trop sèches entre les séquences, surtout dans la première partie. Les comédiens peinent aussi à sortir leur épingle du jeu, en particulier le fils en question. Le cadre est intéressant, Ozu sublime ces paysages d'avant-guerre, ainsi que le contraste entre les campagnes et les villes, tant les intérieurs que les extérieurs.
S'il est intéressant philosophiquement et socialement, Le Fils Unique peine à dégager une émotion particulière, malgré l'empathie que l'on peut avoir pour la mère, et si on retrouve le style si atypique d'Ozu, entre minimaliste, simplicité et profondeur, il se montrera bien plus convaincant par la suite (ou même avant, Gosses de Tokyo ou Où sont les rêves de jeunesse ? notamment !).