Le premier film parlant d'Ozu préfigure déjà quelques uns des chefs d'œuvre à venir. On retrouve par exemple la trame du Voyage à Tokyo, le plus grand succès du maître, avec cette relation filiale particulière et cette chronique de la transformation du Japon. Ici, une campagnarde veuve, ouvrière textile, réalise des sacrifices importants afin que son fils unique puisse étudier et devenir quelqu'un à la ville, en l'occurrence la capitale Tokyo.
Dix années ont passé durant lesquelles la mère s'est réjouie des bons résultats du fils et de l'encouragement de l'un de ses professeurs de secondaire (Chishû Ryû), qui revêt presque un rôle de modèle pour le garçon. Mais le fils ingrat ne donne que peu de nouvelles depuis qu'il est dans la capitale et elle décide donc de lui rendre visite. Ce qu'elle découvre est loin de ce qu'elle avait pu imaginer : il vit avec une femme et un bébé dans une baraque modeste d'un quartier périphérique ouvrier. Il n'est que professeur du soir et peine à faire vivre sa famille avec son maigre salaire. Pire, la mère découvre que l'ancien professeur du village -- une position qui revêtait un certain statut à une époque ! -- parti lui aussi vivre à Tokyo, tient aujourd'hui un boui-boui où il sert du porc tonkatsu.
La mère, avec beaucoup de retenue, cache sa peine les premiers jours puis finit par laisser éclater sa déception devant la résignation de son fils. On apprend qu'elle a vendu sa maison et ses terres pour payer la scolarité du garçon. La bru, très touchée, vend le lendemain un kimono afin d'offrir une sortie à sa belle-mère. Au-delà de de la sortie, on comprend que ce geste doit offrir à toute la famille le sentiment de vivre normalement ne serait-ce qu'une journée. Mais par un coup du sort, la sortie est annulée à la suite d'un accident qui implique le jeune voisin, blessé par un cheval, et dont les parents sont aussi pauvres que notre jeune couple. Le fils se propose d'emmener le garçon à l'hôpital et donne l'argent da la sortie à la voisine pour qu'elle règle les soins de son fils.
La mère rentre dans son village le lendemain, non sans un ultime message d'amour à son fils unique en qui elle a vu les qualités humaines la veille avec le petit voisin, des qualités qui dépassent la réussite sociale et les conditions de vie. Plus tard, on voit la mère dans l'usine où elle est contrainte de travailler. Elle confie à sa collègue que son fils est devenu quelqu'un à la ville et qu'elle peut désormais partir en paix, puis lorsqu'elle sort, montre un visage d'une profonde tristesse sur lequel s'achève le film.
Sur le plan technique on remarque déjà tout le style d'Ozu : plans fixes, plans-tatamis, jeu sur les espaces confinés, les cloisons, les couloirs, les plans intercalés avec des maisons, des champs, du linge qui sèche, des oriflammes dans le vent...