Le Fleuve est une oeuvre difficile à évaluer, comportant des défauts et des qualités indiscutables.
On peut effectivement reprocher aux acteurs amateurs la simplicité de leur jeu qui est loin d'être transcendant, de même le film frôle l'ennui au niveau de sa trame : l'amour naissant chez des adolescentes pour un blessé de guerre qui refuse son handicap, son destin et souffre de se sentir diminué...
Oui mais là aussi si le thème de fond est le Fleuve et ce qu'il représente (le mouvement, la naissance, la vie la mort les cycles des énergies positives et négatives, etc), une allégorie mis en avant par tous les évènements qui constituent le film, peut sembler facile, il n'en demeure pas moins que Le Fleuve est un film en couleur superbe, d'une qualité esthétique indéniable (considéré à l'époque comme limite avant-gardiste, comprenant quelques expérimentations techniques), un film qui est une vraie plongée sur une autre univers et une autre époque, un film éloigné des studios, des décors simulacres en carton-pâte.
Car à cette histoire simpliste et symbolique s'entrecroisent des moments de types documentaires (la reconstitution des rites autour de Kali, la scène maique de la danse lors du mariage, le travail de la classe ouvrière dans l'usine du père qui a bâtit sa fortune grâce aux paillassons, etc) ou encore qui témoignent de la culture indienne (le conte crée par la jeune adolescente typiquement indien sur le cycle de la vie et sa relation à la transcendance).
Le Fleuve, qui fait partie de ses oeuvres qui ont crée un engouement pour l'Inde, pays éternellement étrange pour notre raison occidentale, est une fenêtre sur un pays, un peuple et on dirait que Renoir nous a communiqué sa propre stupéfaction avec ses propres moyens, des images, des fragments, des moments capturés, une poignée de saynètes irréductiblement éloignées de notre réalité occidentale.
Ces tableaux composés d'images splendides et singulières sont alors liés à la même zone géographique (autour de la maison des colons) avec une économie de moyens certaine (pas de surabondance visuelle de type reportage à travers les différents paysages indiens, pas de chasse au tigre). Non, cette limitation géographique permet de mieux creuser dans la quotidienneté, la profondeur d'une pensée d'une civilisation qui est une des plus immuables.
On dirait que d'un film souhaité à partir d'un roman d'un certain Rumer Godden (auteur aussi du Narcisse noir), le cinéaste a été dépassé sur place, et cet engouement, cet amour qu'a eu Renoir pour ce peuple, ses couleurs, ses rites, a produit ce film magique, sincère et humaniste à l'atmosphère indienne indéniable. Et c'est ce qui m'a amusé : que ce qui est de l'ordre du premier plan pour un film et qui pourrait sembler loupé n'a pas d'importance, le film va largement au-delà, il transcende son sujet...

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le 24 mars 2012

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Ochazuke

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