Les années 1970 chez Lumet sont clairement synonymes de jolis morceaux, puisque je gardais en mémoire "The Offence" (rebelote avec Sean Connery), "Serpico", "Un Après-midi de Chien", "Network" — je dois en oublier d'autres. Mais tout ça ne prépare pas vraiment au caractère approximatif et à la direction artistique un peu hasardeuse qui règnent dans "The Anderson Tapes", malheureusement. C'est fou parce que malgré tous ses défauts le film est évidemment d'un avant-gardisme troublant, sorti l'année qui précéda le scandale du Watergate avec l'arrestation des fameux plombiers.
On ne pourra pas reprocher au film son originalité, c'est une certitude. Les bruits dissonants sont omniprésents (pas toujours agréables à l'oreille cela étant dit, à chaque fois qu'un micro ou une caméra sont révélés, un signal sonore très désagréable se sent obligé de nous crever les tympans), le montage est volontairement chaotique (avec des flashforwards régulier nous montrant l'après-casse (et donc révélant l'échec à venir), la tonalité ne sait jamais vraiment où se poser entre le film de casse, la comédie, le thriller... Un sacré bordel.
La plus grosse carte de Lumet sur ce coup, c'est l'exposition du réseau de surveillance qui semble parcourir absolument tous les recoins de l'entourage du personnage de Sean Connery, fraîchement sorti de prison et déjà engagé dans un nouveau coup. Pas de bol, lui n'est pas particulièrement surveillé, mais toutes les personnes avec qui il va entrer en contact pour préparer le saccage et le cambriolage d'un immense immeuble luxueux se trouvera sur écoute, pour des raisons très diverses, en lien avec l'infidélité d'une femme, l'activisme noir, etc. On reconnaît le style de Lumet dans cette cruelle ironie qui nous est clairement montrée mais que le protagoniste ignore totalement, et on se dit qu'il aurait quand même été possible de faire bien mieux que ce machin un peu bancal. Le virage de l'inquiétude états-unienne des 70s est en marche (il annonce aussi "Conversation secrète" de Francis Ford Coppola en 1974), mais il ne semble aller nulle-part. Au final la sympathie va à Connery, of course, ainsi qu'à Christopher Walken tout jeune et Stan Gottlieb en vieux inadapté souhaitant retourner en prison. Le perso de Martin Balsam est un méga ratage.