Le Garçon et le Héron
6.9
Le Garçon et le Héron

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2023)

Je ne vais pas vous faire l'offense de vous présenter qui est Hayao Miyazaki, cette légende de l'animation, voire ce demi-dieu. L'aura extraordinaire qui se dégage à l'énoncé de ce nom suffit hautement.


Non, mais c'est incroyable qu'il ait conservé, à plus de 80 berges, après une absence d'une décennie dans le long-métrage, cette capacité à en foutre plein les mirettes. Son animation est bluffante, pousse chaque seconde à l'admiration, est soignée jusqu'au plus petit morceau de terre ou la plus petite trace de vase (bon, allez, je chipote, mais il oublie quelquefois qu'il y a de la fumée qui sort d'un récipient contenant de l'eau chaude... oui, c'est uniquement parce que je suis un connard médiocre aimant chipoter !). L'aspect ajoute à l'immersion et au réalisme. L'artiste nous prouve encore une fois, ici, qu'il est un grand absolu sur la forme. Que n'importe laquelle de ses images peut être qualifiée d'œuvre d'art.


Pour ce qui est de l'intrigue, maintenant. Booooooonnnnnnn.... ce que je vais taper par la suite me donne le sentiment d'être un mécréant, un éternel nullos osant critiquer une idole sacrée qui est à cent milliards de stratosphères au-dessus de moi. Reste qu'il faut bien avouer que les plus géants des géants peuvent parfois décevoir.


Souvent, quand je suis confronté à un film d'animation japonais, particulièrement quand celui-ci entre dans le domaine de l'étrange, du fantastique ou encore de la science-fiction, je confesse que je suis à mille lieues de tout piger, en ce qui concerne les tenants, les aboutissants, les rebondissements, les thématiques, le symbolisme, les messages de fond cachés sur notre société actuelle. Et c'est une chose que j'ai pleinement acceptée. J'accepte de me laisser emporter par un univers auquel je ne comprends rien ou presque.


Il n'empêche, j'ai besoin d'une corde de secours pour me tenir captivé, à savoir les personnages. Si je fais exception de ceux du Vent se lève, de Porco Rosso et du Château de Cagliostro, les protagonistes masculins ne constituent pas la qualité principale des longs-métrages du Maître. Pour tout dire, ils sont assez transparents et oubliables. Le héros du film Le Garçon et le Héron, en rien aidé par le fait que ses motifs et ses pensées ne sont pas approfondis, a une personnalité trop monocorde, trop peu définie, ses relations avec les autres caractères trop peu creusées (je vais revenir sur ce point plus loin !) pour être attachant et intéressant. Mais je ne suis pas déçu sur cet aspect, dans la mesure que je ne m'attendais à rien d'étincelant sur celui-ci, connaissant la filmo du Monsieur.


Par contre, là où je suis méga-déçu de la mort qui tue, par rapport à mes espérances envers le cinéaste, c'est pour les protagonistes féminins. Parce que là où Miyazaki marque, d'habitude, sacrément des points de ouf puissance 10000, c'est dans ce domaine. Il y aurait de quoi composer toute une encyclopédie en douze volumes sur le sujet, tellement c'est riche. Ici, on a trois potentiels beaux personnages féminins, à savoir la belle-mère (et tante !) enceinte, l'espèce de flibustière et la jeune fille qui balance du feu (la sœur cadette de la belle-mère enceinte, donc la mère de l'autre... ce qui ne change rien dans la profondeur du truc, ou plutôt son absence de profondeur, étant donné qu'elles ont pour ainsi dire zéro interaction !). Mais aucune n'a un temps suffisant d'apparition à l'écran pour marquer, pour avoir une personnalité forte, pour que j'entre en empathie avec l'une d'entre elles. Pour appuyer mon propos, un exemple que voici. Il y a des tentatives de séquences d'émotion sur la fin entre la jeune fille en feu et le protagoniste (donc son fils !) qui foirent complètement, vu qu'il n'y a eu aucun arc narratif un tant soit peu consistant, auparavant, entre les deux.


Même, féminins ou masculins, peu importe, globalement, il y a une totale absence de personnages qui déchirent. Parce qu'ils sont bâclés dans leur individualité, dans leur raison d'être. Parce que leurs relations le sont aussi inévitablement (c'est un euphémisme pour signifier qu'elles sont quasi-inexistantes !). Celles entre les deux sœurs, bâclées, celles entre le père et le fils, bâclées, celles entre le fils et la belle-mère, bâclées, celles entre le fils et le héron, bâclées. Il est impossible de parvenir à rédiger, pour moi, quoi que ce soit, ne serait-ce étalé sur quelques pauvres mots, ne serait-ce qu'avec une description avec un chouia d'épaisseur, sur chacun des caractères.


Pour ce qui est de la musique de Joe Hisaishi, si je mets de côté la chanson du générique de fin qui ne se distingue pas de la bouillie gnangnan d'un animé moyen, sans être transcendants, les morceaux ont le mérite de ne pas vouloir enfoncer dans le crâne qu'à un tel moment, tu dois être triste, à tel autre, tu dois être ceci, mais plutôt des expériences sensorielles qui cadrent avec les décors dans lesquels se déroulent telle scène ou telle autre. En revanche, Joe, pour l'affrontement à venir avec les pélicans voraces, tu n'aurais pas un peu pompé grave sur Spiegel im Spiegel d'Arvo Pärt ?


Ouais, bref, sur les aspects formels et sonores, je ferme ma gueule et je m'incline. Pour ça, Miyazaki est plus que jamais Miyazaki. Pour les personnages, c'est indigne de lui, c'est indigne comparé à tous ses opus précédents.


Oui, j'ai l'impression désagréable (que je n'arrive pas à ne pas ressentir !) de désacraliser une idole, que je me sens obligé de crier que je suis désolé... Je suis désolé... je suis sincèrement désolé...

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le 2 nov. 2023

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Plume231

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