Il semble bien que l'on ne retrouvera plus (mais sait-on jamais) le Nadav Lapid des débuts (L'institutrice, Le policier), puissant dans un certain classicisme narratif, qui a laissé la place avec Synonymes et désormais Le genou d'Ahed à une dimension de critique virulente de la politique de l’État israélien, de ses dirigeants, de sa culture et même de son peuple endormi. Le genou d'Ahed est un pamphlet d'une très grande violence mais très disparate selon les scènes et parfois franchement (et volontairement ?) grotesque ou drôle. Si le film se déroule en grande partie dans le désert avec un dialogue très nourri entre un cinéaste et une responsable culturelle du Gouvernement, Lapid s'autorise beaucoup de figures libres, liées notamment aux guerres menées au Liban, ce qui nous vaut d'ailleurs un clip très sensuel autour de combattantes du pays. Oui, Le genou d'Ahed a de quoi épuiser le spectateur le plus résistant, quoique Synonymes reste largement plus verbeux en la matière. La forme épouse assez bien le discours offensif, avec des angles incongrus et des ruptures franches de ton. Moyennant quoi, malgré un discours qui laisse pantois par sa densité et son déchaînement, le film se laisse voir par la qualité de ses images et leur variété. Lapid est très doué, on le sait depuis son premier long-métrage, peut-être aura t-il l'idée de revenir à des récits moins éclatés et tarabiscotés, tout en conservant sa verve, voire sa colère, intactes ?