De ce côté de la pelouse, Le Golf en folie est assez mal connu sur le vieux continent, malgré une belle équipe aux commandes. Et ceux qui l'ont vu ne l'apprécient pas forcément, comme le prouve ses moyennes ici ou sur Allociné par rapport à IMDB ou sur Rotten Tomatoes. Aux États-Unis, Caddyshack de son petit nom original est un film culte, encore maintenant, cité dans d'autres films ou parodié dans les Simpsons et ailleurs. Différents mèmes internet anglophones reprennent des passages du film, dont “So I Got That Goin' For Me, Which is Nice”, utilisé pour exprimer un message un peu ambivalent.
Pourquoi ce désamour de notre part ?
Avec son décor de terrain de golf, avec son petit personnel et ses participants, le film ne glisse aucunement sur la satire, même s’il pourra se moquer des uns et des autres. Même si le personnage central est le jeune Danny Noonan, caddie de golf pour ces messieurs, prêt à toutes les flagorneries pour obtenir une bourse, une belle galerie est présente, dont on retiendra Ty Webb, flegmatique golfeur, la tentatrice Lacey ou l’incroyable Carl, homme à tout faire. Ce petit monde évolue de son côté ou se rejoint pour quelques scènes, dans un ballet humoristique.
Étant donné le personnage de Danny Noonan, adolescent trop typique, et donc un peu inintéressant, on s’amusera un peu plus à côté d’autres personnages, notamment toutes les petites mains à l’œuvre pour le golf, ça se chahute et ça fricote aussi. La rivalité entre le juge, propre sur lui, très sérieux, BCBG, et le promoteur farfelu, nouveau riche bruyant et farceur, n’est pas des plus subtiles, c’est agité, mais avec quelques bons morceaux.
Ty Webb est par contre plus magnétique, grâce à la saine insouciance de Chevy Chase, présent mais rarement impliqué, et pourtant mentor à la cool de Dany. L’acteur est alors au début de sa carrière cinématographique, mais il rencontrera d’autres succès, dont Fletch, avant d’être redécouvert dans les années 2010 grâce à l’excellente série Community.
Carl, lui, ferait probablement hurler bien des féministes d’aujourd’hui, c’est un homme un peu rustre, crasseux, mais dont les commentaires sur les golfeuses, et spécifiquement les plus âgées, sont d’un graveleux idiot mais réjouissant. Quel plaisir de découvrir un Bill Murray bien différent de ses rôles plus récents, peu de temps alors après son succès Arrête de ramer, t’es sur le sable. Carl a la décontraction un peu idiote, mais sans jamais le ridiculiser trop lourdement, un bel équilibre entre l’outrance et l’humain.
Entre Ty Webb et Carl, ce sont donc deux mondes bien différents, mais le film leur réserve une scène en commun, une des meilleures, dans l’antre de l’homme à tout faire. Bill Murray et Chevy Chase ont une expérience commune autour de la célèbre émission satirique, The Saturday Night Live, qui les a fait connaître. Il aurait été criminel de ne pas profiter du film pour les réunir.
D’autres scènes sont assez amusantes, et il fallait bien une certaine audace pour oser parodier Les Dents de la mer avec… un (faux) étron dans une piscine. Et cela fonctionne. C’est moins le cas pour d’autres passages, mais c’est aussi ce qui fait son charme, cette décontraction et cet humour un peu fou-fou.
Il s’agit tout de même du premier film d’Harol Ramis, après deux scénarios cultes de la comédie américaine de ces années, American College et Arrête de ramer, t'es sur le sable. Il adapte ici son propre script, écrit avec Brian Doyle-Murray (frère de...) et Douglas Kenney (fondateur de la célèbre revue sarcastique National Lampoon). Sans grande imagination, la mise en scène est tout de même fonctionnelle, pour les acteurs et leurs répliques. La bande-son est trop discrète, alors que l’introduction était accompagnée d’un morceau de rock FM bien pêchu. Le film inclut tout de même une marmotte comme taupe ravageuse des terrains, dont l’extermination est confiée à Carl. C’est une petite peluche, c’est évident, tout juste légèrement animée, et pourtant cela participe probablement à l’appréciation du film.
Le film a ce petit côté sans prétentions, sans grandes ambitions sinon que celle de faire rire, et sans prendre la tête, sans grille de lecture avec les méchants riches contre les gentils pauvres, mais bien quelques personnages assez cocasses, quelques scènes bien écrites. Et d’autres où la mayonnaise ne prend pas.
Est-ce que ce serait suffisant pour expliquer l’insuccès de ce film ? Il semble que sa distribution dans nos petites salles obscures ait été tardive, peut-être confidentielle aussi. Son statut de film culte aux États-Unis n’a toujours pas franchi l’océan Atlantique. Bogey.