Certes, il s'agit là de ce qu'on nomme un "petit film", intimiste, ancré dans le terroir d'une région, la Drôme des collines, sans grand propos historique ; un film heureux, finalement, lumineux... Trop, sans doute, pour rejoindre les rangs des "grands films"... Et pourtant...
Pourtant, derrière l'anecdote d'une rencontre, derrière le dérisoire et l'inavouable de la recherche du bonheur, se dessine une réflexion plus profonde qu'il n'y paraît sur deux grandes questions : la question de la normalité et celle de l'amour.
La normalité, puisque le singulier Pierre rencontré par Louise, qui le perçoit aussitôt comme "différent", nous fait vite douter des frontières de la raison et de la folie : pas si folle, sa folie, si elle lui permet de remettre en ordre la maison de Louise, livrée à la dérive de son deuil et de son veuvage ; si elle lui permet de réenchanter la vie de Louise, de lui faire redécouvrir les herbes, les arbres, les nuages, en compagnie desquels elle vivait sans les voir ; si elle lui permet de renouer un dialogue avec ses deux enfants, livrés, quant à eux, aux caprices, parfois risqués, de l'adolescence. Benjamin Lavernhe campe admirablement cet homme raidi par l'étui de ses compulsions, méconnaissant absolument le mensonge, mais qui va parvenir à créer un nouveau vide auprès du personnage incarné avec sensibilité par Virginie Efira, lorsque ces deux êtres se retrouveront provisoirement éloignés l'un de l'autre.
Éloignement qui ouvrira sur l'une des plus belles scènes d'aveu qu'il soit donné de voir au cinéma. Une scène en pleine nature, mais qui semble résonner dans une cathédrale de la littérature, lorsque l'on entend, médusé, les paroles si justes par lesquelles Pierre expose les ravages de l'absence et le miracle de la présence :
"Quand tu n'es pas là, je me sens tomber,
Quand tu n'es pas là, j'ai l'impression que je pars en morceaux.
Quand tu es là, je sais où je suis,
Quand tu es là, je suis là".
Quatre propositions qui disent tout du miracle amoureux, de la gravité et de la radicalité de l'amour lorsqu'il redonne un sol, enracine celui qui l'éprouve et le reçoit tout à la fois.