Le jeudi 23 mai, j’ai été voir Le Gout du saké dans la section Cannes Classics.
Source : Les Fiches du Cinéma http://www.fichesducinema.com/spip/spip.php?article4189
Le jeudi 23 mai, j’ai été voir Le Gout du saké dans la section Cannes Classics.
Il y’a quelque chose de beau et provocateur dans l’acte de se réfugier dans la salle Buñuel - qui porte bien son nom tant elle est distordue. Renoncer à des films inédits pour voir des classiques, il faut oser. En venant au Festival, mon but était pourtant de découvrir les débutants. Mon action se détourne-t-elle tant que ça de mon objectif premier ? Non. Ozu est moderne et nécessaire car il s’inscrit dans une démarche de passation entre anciens et nouveaux réalisateurs. Dans ce film, le personnage principal dit qu’il faut “laisser les jeunes faire leur vie”. Comme l’a dit le réalisateur Japonais Hirokazu Kore-Eda avant la projection du film “Dans Le Gout du saké, il y a un grand sens du changement. Ce changement qui est survenu au Japon après la Guerre. C’est un film paisible qui dit au revoir aux anciens.” La présence de Kore-Eda et de Jia Zhang-ke, dans cette salle plus intime que les autres, était aussi l’occasion de voir en direct se côtoyer le cinéma du passé et le cinéma du présent.
Je suis venue à Cannes avec cette féroce envie de me sentir portée par un film. Je ne l’ai pas été suffisamment par la Compétition, bien que certaines oeuvres m’aient légèrement secouée. Finalement c’est en Buñuel que j’ai trouvé mon bonheur, auprès de Ozu, qui a relancé mon envie d’aller à la rencontre des nouveaux auteurs, des maîtres de demain. J’ai ressenti Le Gout du Saké comme le signe d’un ancêtre. Il revient vers vous et vous englobe de ses deux bras chauds. D’ailleurs ce n’est pas innocent que le thème du père soit si présent dans le dernier film de Ozu qui se pose alors indéniablement comme un modèle.
Ce que j’ai aimé dans Le Gout du saké, qui décrit la vie de gens ordinaires, c’est surtout le goût de la sobriété qui nait d’une extrême stylisation. L’approche cinématographique de Ozu est extrêmement raffinée. L’histoire se développe autour des questions de l’éloignement, de la séparation, et dégage une atmosphère de fatigue. Le dernier film d’Ozu est fatigué. Il est temps pour lui de se retirer. Il faut savoir se séparer du passé et être terriblement moderne. Voilà ce que j’attends du cinéma : découvrir des inconnus, en ayant les anciens portés au cœur.
Astrid Jansen