Avec "Le goût du saké", on est en pays de connaissance, familiarisé avec la réalisation tout en plans fixes géométriques élégamment agencés, familiarisé avec les comédiens qui sont invariablement de retour, d'un film à l'autre du cinéaste, avec ses mélodies musicales omniprésentes et typiques. Et pour finir, les thèmes chers à Ozu sont présents dans son dernier film
Dans ce film où il se passe si peu de choses, je ne sais pas d'où proviennent le charme et l'intérêt; de la mise en scène? de la modestie séduisante des personnages? du reflet de la culture et de la société japonaises? Probablement de tout ce qui compose l'univers, identifiable entre tous, d'Ozu.
Il est encore question au centre du sujet du mariage des filles, d'ailleurs toujours réclamé par l'entourage, plutôt que par le père ou par la fille elle-même, comme une obligation sociale. Les personnages d'Ozu sont jeunes, et dans ce cas plus modernes, tournés vers la société de consommation voire une américanisation des moeurs; ou bien ils sont vieillissants, de la génération du cinéaste qu'on sent si proche, si complice d'eux. Conformément au péché mignon d'Ozu, c'est dans l'alcool, le goût du saké ou du whisky ou de la bière, dans les trinqueries entre vieux copains, voire dans l'ivresse, que l'on ressasse les souvenirs (y compris de la défaite de 1945, rarement absente du cinéma d'après-guerre d'Ozu) ou que l'on noie sa mélancolie et sa solitude. A cet égard, les dernières scènes, a fortiori parce que qu'on sait qu' Ozu ne tournera plus, sont pour le père de la mariée d'une grande tristesse.