Pas facile d'écrire une critique sur un film qui laisse sur sa faim surtout quand il s'agit d'un film réalisé par Hitchcock.
Et pourtant Hitchcock de retour dans son pays d'origine dans les années 1949-50 se devait de retrouver ses recettes d'avant-guerre, de sa période dite britannique. Après le ténébreux "les amants du Capricorne" que j'avais bien aimé (en grande partie à cause d'Ingrid Bergman) mais avait en général déplu, voici "le grand alibi".
Force est de constater, pour ce qui me concerne, que la mayonnaise n'a pas pris dans ce film.
Pourtant le début tonitruant aurait dû insuffler l'énergie nécessaire à ce que la mayonnaise monte et reste stable.
Peu importe le fameux "flash-back menteur" du début : après tout, c'est un peu comme les promesses, elles n'engagent que celui qui les écoute. Ce flash-back est là juste pour brouiller les pistes.
Le problème vient qu'on se lance dans une abracadabrante série de petits rebondissements ou d'actions auxquelles personne ne peut croire car trop cousues de fil blanc. Juste un exemple : quand Eve (Jane Wyman) décide de remplacer la femme de chambre de Charlotte (Marlene Dietrich) et la paye en se faisant passer pour une journaliste. Puis comme dans les mauvais vaudevilles, elle croisera en se cachant et le flic et Jonathan, sans oublier la scène de chantage avec la vraie femme de chambre, sous le nez du flic. Ce type de rebondissement s'avère contre-productif et absolument pas convaincant.
Il y a deux ou trois scènes du même acabit qui me montrent que le scénario patine sec à pas mal d'endroits. Et le scénario inabouti sur de nombreux plans est le défaut majeur de ce film.
Parce que côté réalisation, Hitchcock a bien fait le job. De la scène silencieuse du faux cambriolage à la scène finale au théâtre, on ne compte pas les petites trouvailles en terme d'éclairage et de point fixe sur les regards que ce soit d'Eve ou de Marlene Dietrich. Pour la scène finale au théâtre, c'est une fameuse idée que de faire rejoindre les acteurs avec leurs personnages, eux-mêmes acteurs.
Côté casting, il y a des choses à dire.
Jane Wyman qui joue le personnage finalement central a un rôle qui la fait apparaître trop naïve ou trop genre "Rouletabille" (pas mieux comme qualificatif) qui ne va bien à l'actrice et qui du coup lui enlève de la crédibilité. A mon avis, l'actrice n'est pas en cause mais une fois encore, le scénario, qui aurait dû être mieux travaillé en mettant de la subtilité ou du second degré dans le personnage. Là, Jane Wyman est en première ligne et sans filet. En plus, le scénario la fait apparaitre inconstante en amour (ce qui est inutile). Il ne faut pas s'étonner que le rôle ait du mal à passer.
C'est dommage car j'aime bien cette actrice notamment dans les films de Sirk.
Marlene Dietrich reste bien dans son rôle de femme manipulatrice qui dévoile peu à peu son jeu. Ses prestations musicales sont juste somptueuses.
Le père d'Eve (rôle tenu par Alastair Sim) est par contre très bien en père fantasque, tendance anar gentil, se dévouant corps et âme pour sa fillette. C'est grâce à lui, qu'on voit les meilleures scènes du film comme à la fête foraine ou encore chez son ex-femme. C'est l'acteur qui tire le mieux son épingle du jeu.
Michael Wilding que j'avais apprécié dans "les amants du capricorne" est ici aux abonnés absents. Alors qu'il aurait dû avoir un rôle de flic plus intrusif, plus mordant.
Vient le moment de mettre une note : avec toute ma lâcheté et ma malhonnêteté intellectuelle, je vais octroyer à ce film un 5 ; d'abord, j'ai quelques scrupules à descendre à une note en dessous la moyenne à cause de la réalisation du maître et la prestation des acteurs, puis, je suis dans l'impossibilité de monter trop au dessus de la moyenne à cause de la mayonnaise qui n'a pas pris.