« The Tall Target » (Le grand Attentat) s’inscrit comme une pause dans la série des westerns que réalisa Anthony Mann. Ce projet, inspiré de faits historiques, fut préparé en premier par Joseph Losey, puis Anthony Mann y apporta quelques modifications. En premier il voulait s’inspirer d’Alfred Hitchcock en forçant le suspens, enfermant l’histoire à la fois dans un lieu unique et restreint, et la limitant temporellement à la durée du voyage de New York à Baltimore. Le pari est largement gagné car les 78 minutes du métrage passent sans ennui, mais pas sans tension. Remarquablement filmé (Harry Stradling Jr, non crédité, est à la caméra) et découpé, le jeu des pistes multiples éveille sans cesse l’attention du spectateur et dont le sommet réside dans la partie d’échec que joue le Colonel Jeffers à l’ex inspecteur John Kennedy. Si Adolphe Menjou excelle dans ce type de composition, Dick Powell apporte force et convocation à l’opiniâtreté du policier. D’une manière générale le casting est épatant, avec au passage une opposition très fordienne entre le chef de train et le machiniste. Plus contestable sont les rôles de Paula Raymond (Ginny Beaufort), réduite à une sorte d’utilité décorative, et de Ruby Dee (Rachel la servante esclave) dont Mann a considérablement réduit l’importance voulue par Losey (qui voyait Lena Horne le tenir). Ainsi, malgré une affiche originale mensongère, le film en se réduisant essentiellement à une histoire d’hommes, perd certainement en dimension et paraît quelque peu hésitant dans sa construction. Notamment, le rôle bâclé et sans intérêt laissé à Paula Raymond peine à s’intégrer dans le fil de l’histoire, tenant davantage du remplissage et de l’opération commerciale. C’est certainement le point le plus faible de cet excellent film.