Hypnotique.
Le Grand Bleu, film générationnel par excellence, est un film douloureux à revoir aujourd'hui quand on voit le chemin qu'a pris son réalisateur par la suite. Quand même, qui aurait pu imaginer que...
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le 12 juin 2011
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Après un premier essai intéressant dans la science-fiction (Le dernier Combat) et un deuxième où il a gagné ses galons de réalisateur à suivre (Subway),notamment pour une bonne partie du public français à l’époque, Luc signe son film le plus personnel et contemplatif de toute sa filmographie, en adaptant de manière très libre, le duel entre deux apnéistes : Jacques Mayol et Enzo Maiorca.
Ce dernier demanda à ce que l’on change le nom du personnage, tout en exprimant son mécontentement de ne pas avoir été consulté auparavant. Ainsi, naquit Enzo Molinari donnant une renommée incroyable à Jean Reno dans l’un de ses meilleurs rôles. Il crève littéralement l’écran, avec un nombre de dialogues impressionnant en français et en italien, pour sa troisième participation consécutive dans l’univers Bessonien. Son personnage est caractérisé, à tout jamais dans l’inconscient collectif, grâce à ses lunettes rondes. Détail amusant, Il les avait déjà dans le dernier combat. Enzo est pour moi l’archétype du champion, sûr de lui, mettant tout en œuvre pour atteindre son but ultime, quitte à se mettre en danger en toutes circonstances.
Son adversaire, Mayol, taiseux, ne vivant que pour la mer et les dauphins, est joué par un inconnu en 1988 : Jean Marc Barr. Son nom était sans doute un signe concernant sa résistance à la pression nécessaire pour son rôle. D’ailleurs, le célèbre apnéiste obtint le poste de consultant et de scénariste pour tout ce qui relevait de sa vie et des spécificités de l’apnée afin d’apporter une véritable authenticité à l’histoire. Barr arrive très bien à faire comprendre au public que son rapport au monde, son attrait infini pour les profondeurs de la mer et que ses capacités physiques exceptionnelles l’éloigne de sa condition d’être humain à tel point qu’il ne sent pas à l’aise en société. Il se sent plus proche de l’animal marin précité. Même Enzo dira :
Ne voyez pas Jacques comme un être humain, il vient d'une autre planète.
Dès le début du film, on découvre leur enfance respective en Grèce, magnifiquement filmé dans un noir et blanc, sentant bon la nostalgie d’un monde perdu d’insouciance et de jeunesse, par le prisme d’une rivalité venant d’une perception différente de la vie. Dans cette partie, Besson nous propose des scènes de plongée sous-marine, véritable hommage à l’une de ses plus grandes passions.
Après cette présentation, le public va les retrouver des années plus tard, en couleur, cette fois, à l’âge adulte, évoluant dans des mondes totalement différents, avant qu’ils ne s’affrontent lors de championnats du monde d’apnée.
C’est à ce moment là que le premier personnage féminin, Johanna, fait son apparition sous les traits de Rosanna Arquette. J’en profite pour affirmer que le fait de donner un prénom se finissant par A au personnage féminin est un gimmick de l’univers cinématographique de Besson que l’on retrouve à de multiples reprises jusqu’à son dernier film Anna. Mais pour une fois, il ne s’agit pas d’une femme que l’on doit sauver (Ex : Leeloo dans le 5ème élément) mais plutôt de celle aidant un homme à lutter contre une passion destructrice, par amour. Aimant énormément After Hours de Scorsese, j’ai apprécié l’emploi de cette actrice et de Griffin Dune (Le Loup Garou de Londres), en patron de Rosanna, dont l’une des scènes se passe dans des bureaux New-Yorkais, faisant un clin d’œil appuyé envers ce film de 85.
Dans la version longue, on aperçoit la petite amie d’Enzo, Bonita, ayant une vision moins idéalisée de l’amour que celle de Johanna. Elle est interprété par Valentina Vargas ayant marqué la plupart du public masculin pour sa prestation très chaleureuse dans Le nom de la Rose avec Christian Slater (la série Mr. ROBOT). Malheureusement, le personnage de Jean Bouise complètement loufoque est ridicule, à défaut de faire sourire. Quel dommage !
Les séquences aquatiques sont magnifiques notamment quand Mayol nage avec les dauphins. L’affiche donne un léger aperçu de ce que l’on découvre dans le film. Cela amènera naturellement Besson à prolonger ce plaisir à travers Atlantis, trois ans plus. Ici, Luc affirme sa position sur le fait que les dauphins ne doivent pas forcément rester enfermés dans les parcs aquatiques animaliers. Ce combat se poursuivra, 21 ans plus tard, avec la distribution par sa société EuropaCorp d’un documentaire dénonçant la pratique de sélection des dauphins au Japon, The Cove – La baie de la Honte.
Eric Serra a créé une de ses meilleures bandes originales récompensée très justement par un César de la meilleure musique en 1989, retranscrivant bien les sons de la mer, ceux des dauphins et donnant un sentiment d’immersion auditive lorsqu’on suit les apnéistes dans les profondeurs maritimes.
Besson réalise, un rêve à travers Le Grand Bleu en mariant sa passion de la mer, de la plongée sous-marine, et des dauphins. J'apprécie ce film, à la fois, pour le voyage intérieur du personnage principal, Mayol, de son enfance jusqu’à l'appel obsessionnel vers les profondeurs maritimes, telles des sirènes voulant l'empêcher de rester sur Terre avec sa femme, et celui initiatique dans le monde de l’apnée, à travers différents pays comme la Grèce, l’Italie ou le Pérou.
Après avoir effectué un parallèle entre Carpenter et Besson lors de son dernier combat, je constate avec ce long métrage des similitudes étranges avec un autre réalisateur illustre ayant reçu une reconnaissance très importante du public, au même âge (29 ans), avec un film dont une partie se déroule en mer. Vous l'avez, bien sûr, deviné : il s'agit de Steven Spielberg avec son Jaws. Mais contrairement au cinéaste américain, la critique presse n'était pas vraiment de son côté. Je vous donne l'exemple du Monthly Film Bulletin :
S'il y a beaucoup de choses admirables dans le Grand Bleu, notamment sa photographie, les perspectives d'avenir du réalisateur en tant que navigateur cinématographique d'envergure semblent prendre l'eau.
En effet,au moment de sa sortie au Festival de Cannes, il a subi un tollé quasi général de leur part. Heureusement, le public sera au rendez-vous, en achetant plus de 9,2 millions de tickets.
Revanchard envers les professionnels du milieu cinématographique suite au succès inattendu au box-office français, Luc finit même par imposer sa version longue de 36 minutes de plus avec une tagline provocatrice "N'y allez pas, ça dure trois heures!".
Je trouve qu'elle donne plus d’importance à certains personnages et, sans doute, une meilleure compréhension des motivations des personnages. Ce film, pour certains, montrait déjà les faiblesses de Besson, notamment sur la qualité et densité du scénario avec des personnages ayant souvent les mêmes caractéristiques d'un film à l'autre. D'autres considéraient Le Grand Bleu comme l'apogée artistique du metteur en scène, au regard de la renommée internationale acquise avec celui-ci. Cependant, il a réussi à mener, à terme, un projet d'envergure (21 semaines de tournage dans l'eau, 24 semaines sur Terre à travers plusieurs pays, 9 mois de montage) prouvant qu'il avait les épaules solides en tant que réalisateur français, malgré son âge. Cela lui a permit de tourner un autre film important de sa filmographie : Nikita. Il est clair que l'on était dans l'âge d'or de sa carrière à ce moment là ! A suivre.
Petite anecdote pour finir : D'après les dires de Besson, la copie définitive du film aurait été disponible seulement 18 heures avant la projection au Festival de Cannes !!!
N.B : Même s'il délivre quelques informations intéressantes sur le tournage, j'ai trouvé le making of de Patrick Alessandrin de 97 minutes trop long et soporifique, pour réussir à le visionner en une seule fois, avec des interviews enregistrées dont la qualité sonore laisse à désirer. Je pense que certains ont eu le même avis sur cette version longue. ^^
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le 24 août 2019
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