C'est un des rares films que je pourrai qualifier de magique. Et qui cache d'ailleurs bien son jeu. C'est une des raisons à mon avis qui ont fait que les Festivaliers cannois n'ont pas compris l'histoire, ainsi que son absence de méchant (même si, dans l'absolu dépressif, la méchante c'est la Vie) et le fait qu'il ne cherche pas à s'éparpiller dans des péripéties complexes en dehors de l'intrigue. Parfait exemple de la différence de gout qu'il peut y avoir entre les critiques et le public, il me semble évident que "le grand bleu" a échappé aux consciences qui se veulent si intellectuelles qu'ils s'attendent toujours à une claque comme une autre. Mais non, ce film est bien une claque, mais dans son genre à lui. Et évidemment, ça a déconcerté. C'est dur, au final, de prendre un film pour ce qu'il est et pas pour ce qu'il est censé être...
de quoi parle "le grand bleu" ? rien que ça, ce n'est pas sûr ! J'y vois comme un hymne à la mer et aux plongeurs marins, comme tout le monde, mais il y a aussi, en filigrane, des idées beaucoup plus sérieuses. Déjà, il traite du Symptôme de Peter Pan, assurément. Mayol est avant tout un enfant bloqué. Ce qui mène à une autre idée, par rapport à la femme. La femme et la Mer sont plus incompatibles qu'on le croit dans les faits, elle est plus terre-à-terre que les hommes, surtout pour les rêveurs, surtout pour les fils de l'Océan, et dans ce cas-là, surtout pour Mayol. Enfin, il parle bien d'une philosophie de la Vie, extra-terrestre, où le mutisme apporte étrangement un charisme fou. Donc oui, sous ses dehors naïfs et simples, l'histoire est beaucoup plus sérieuse et profonde.
Mais il le cache, avec un humour efficace et une histoire accessible. Son mysticisme parait pourtant au premier plan, surtout pour les plongées en mer (séquences qui peuvent tout de même lasser, à force de se répéter). Il est aidé par la musique juste impeccable de Eric Serra, la meilleur BO française du monde à mes yeux. La lumière, le jeu des acteurs (Reno dans sa meilleure prestation) et, il faut bien le dire, le domptage des dauphins, contribuent à cette ambiance surréaliste et profondément géniale. Des séquences mémorables de ce genre, il en regorge: le délire de Mayol (personnage auquel je m'identifie), le sauvetage d' Enzo (je comprends d'ailleurs pourquoi il était mécontent pour la Mamma, beaucoup trop caricaturale), sa mort, le médecin expliquant le pouls hors du commun de son plongeur, et surtout la fin, le paroxysme, le bonheur suicidaire, l'extase morbide... et évidemment, ça a pas plu aux Américains. Ils ont changés la fin pour qu'elle soit plus gai (ce qui décrédibilise tout le dernier tiers du film...), et tant qu'à charcuter, autant carrément prendre une musique de merde par dessus à la place de la Française. No comment.
Cet emblème de toute une génération, j'aurais adoré le voir au cinéma. J'aimerais qu'il soit reconsidéré, parce qu'il est hors du commun et inclassable. Plongez, enivrez-vous, et n'ayez pas peur de l'aimer.

Créée

le 6 sept. 2016

Critique lue 843 fois

2 j'aime

1 commentaire

Billy98

Écrit par

Critique lue 843 fois

2
1

D'autres avis sur Le Grand Bleu

Le Grand Bleu
Hypérion
8

Hypnotique.

Le Grand Bleu, film générationnel par excellence, est un film douloureux à revoir aujourd'hui quand on voit le chemin qu'a pris son réalisateur par la suite. Quand même, qui aurait pu imaginer que...

le 12 juin 2011

72 j'aime

10

Le Grand Bleu
Grard-Rocher
5

Critique de Le Grand Bleu par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En 1965sur une île des Cyclades, deux gamins amoureux des océans, Enzo et Jacques se confrontent afin d'avoir la suprématie en apnée. Le père de Jacques également passionné trouve la mort au cours...

45 j'aime

39

Le Grand Bleu
Gothic
8

Le grand bleu avec une chaussure noire

MC SONAR Vaguement (ah ah!) inspiré par la vie de l'illustre Jacques Mayol et de sa rivalité avec Enzo Maiorca (Molinari dans le film), Besson nous plonge dans les eaux troubles de ce personnage...

le 19 févr. 2013

26 j'aime

6

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Billy98
10

MA BIBLE

Mon film préféré. La plus grosse claque artistique de ma vie. Une influence dans ma vie. Un éternel compagnon de route. Le cinéma à l'état pur et au summum. Oui, vraiment ma Bible à moi. Je connais...

le 21 juin 2016

29 j'aime

12

Lulu
Billy98
10

Jamais été aussi désespéré, et jamais été aussi beau (attention: pavé)

Le Manifeste... Projet débuté par un court-métrage majestueux, accentué de poèmes en prose envoyés par satellite, entretenant le mystère, son but semble vraiment de dire: prenons notre temps pour...

le 15 mars 2017

27 j'aime

10

The Voice : La Plus Belle Voix
Billy98
2

Le mensonge

Je ne reproche pas à cette émission d'être une grosse production TF1. Après tout, les paillettes attirent les audiences, et plus les audiences augmentent plus les attentes montent, c'est normal. Je...

le 17 févr. 2018

20 j'aime

7