Le film a été, à sa sortie, un énorme échec commercial. Et ça se comprend. Non pas que ce soit un navet, au contraire, c'est un film génial et atypique, Ceci explique cela.


Tout d'abord, dès les premières minutes, on est happé par cet univers new-yorkais des années 50 : le jazz, les journaux, les boites, le petit monde artistique, politique et journalistique qui se croise... Et c'est une putain d'ambiance. La musique est incroyable, la photo, les plans, sont parfaits.
Ce film c'est une une comédie qui se base sur une intrigue pas du tout intéressante, mais qui va être traité avec une telle dérision, que ça en devient génial.
Petit rappel de l'intrigue : Curtis est un agent publicitaire, un rapace sans scrupule, qui doit, pour rendre service à l'éditorialiste de renom (Lancaster), détruire la relation amoureuse de la sœur de ce dernier, en manigançant des scoops peu flatteurs à l'encontre de son petit ami, un guitariste de jazz.
Pas tellement passionnant. D'ailleurs j'ai eu du mal à rentrer dans le film pendant la première demi heure, bien que ça soit très soigné.
Mais une fois l'univers et les enjeux posés, on est emmené par le réalisateur dans ces multiples péripéties absurdes, viles et drôles.
Qu'est-ce qui est génial dans ce film (en plus de la subtilité de jeu de tous les acteurs, de la magnifique photographie, de ces plans qui défilent à toute vitesse, de ces cadrages pertinents, de ce jazz violent) ?
Que toute cette intrigue, toutes ces tirades, ces relations de manipulations, ces enjeux, soient en fait montrés par le réalisateur avec une très grande finesse, une sorte de nihilisme aussi, une grande intelligence, une ampleur qui va bien au-delà de cette petite intrigue. Et ce qui participe à cet humour - et cette justesse - c'est aussi ce décalage entre le dérisoire des situations et des enjeux, et le grand soin apporté à l'esthétique et à la musique. Car oui, cette musique si géniale, qui devrait plutôt accompagner des scènes dramatique d'un autre film fort sérieux, vient accompagner ces scènes complètement dérisoires, et c'est vachement drôle ! En ce sens, ce film américain de 1957 préfigure les œuvres des Coen, PTA et de Desplechin. Le sérieux apporté au dérisoire rend le tout complètement pathétique.


Un film très intelligent, à voir.

Nicolas_Robert_Collo
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films noirs

Créée

le 9 janv. 2015

Critique lue 338 fois

1 j'aime

Gregor  Samsa

Écrit par

Critique lue 338 fois

1

D'autres avis sur Le Grand Chantage

Le Grand Chantage
KingRabbit
8

Le film noir des films noirs

Dans l'absolu le genre du "film noir" c'est quand même un truc éminemment cool et qui fait pas mal rêver. Les codes du genre, l'ambiance, les décors, les costumes, les bas-fonds et la pourriture qui...

le 21 juin 2015

29 j'aime

9

Le Grand Chantage
Ugly
7

La jungle du Broadway nocturne

Voila un film assez connu qu'il m'a été donné de revoir, je ne l'avais qu'apprécié modéremment lors d'un vieux visionnage au cinéma de minuit, mais je lui ai trouvé d'indéniables qualités ;...

Par

le 29 janv. 2021

22 j'aime

21

Le Grand Chantage
Mr_Jones
9

Sweet Smell of Press

J'en avais entendu grand bien de la part d'un très bon ami journaliste, et les notes de plusieurs de mes éclaireurs sur Senscritique paraissaient confirmer ses dires... Donc, quand en fouillant dans...

le 5 sept. 2011

21 j'aime

7

Du même critique

Ragtime
Nicolas_Robert_Collo
9

Indispensable.

J'aurais aimé découvrir ce film aujourd'hui. Quand je l'ai vu la première fois, il y a quelques années, ça avait été une énorme claque. Malheureusement pour moi, ce film n'est pas parfait, mais ! il...

le 24 janv. 2015

6 j'aime

Killer of Sheep
Nicolas_Robert_Collo
6

Grande mise en scène, mais décevant

Je viens de découvrir un très bon metteur en scène, mais un assez mauvais scénariste : Charles Burnett. C'est un film indépendant dans la lignée des premiers films de John Cassavetes, Martin Scorsese...

le 13 févr. 2015

5 j'aime

Tous les biens de la terre
Nicolas_Robert_Collo
9

J'étais là quand les premiers négriers sont partis d'Afrique

Un film à contre courant de la norme hollywoodienne. William Dieterle, réalisateur "légitimement" oublié, n'avait alors fait à Hollywood que quelques films de genre, assez classiques dans leur mise...

le 23 nov. 2015

4 j'aime

1