Je suis né en 1973 le jour de la mort de Bruce Lee au lendemain de la sortie du "Grand Duel", au milieu des premières effluves sonores d'Aerosmith, Queen, Lynyrd Skynyrd..."toute la musique que j'aime" chantait Djouni à la maison.
1973, c'est aussi la fin du conflit vietnamien, une affreuse jérémiade de James Blunt, le choc pétrolier, le coup d'état de Pinochet, la mort de Picasso et John Ford, les naissances d' Eva Herzigova, Josh Homme, Draghixa, Guillaume Canet, Corey Taylor...ou Djee VanCleef, démoniaque fumeur de mots et de de phrases hallucinogènes qu'il roule et fait tourner sur les pages de SC. À ma connaissance, le Dude et ce mec sont les seuls à s'acharner autant sur le cadavre décharné d'un spliff long de quelques millimètres comme des intégristes de la "latte du cow-boy".
Mais babentiiiiire !!! Il est question de tout ça pour ma bafouille : 1973, les cow-boys et le véritable Van Cleef, celui au faciès de lynx, pas son prétendu descendant kabylifornien échappé de la porte de Montreuil !
En cette période, les rois de la contrefaçon n'étaient pas encore chinois ou marocains ni même turcs mais italiens. Formé par le pape Leone, Giancarlo Santi rend une copie honorable émaillée d'inévitables tics de son mentor (gros plans sur les regards, suspension du temps, des gueules patibulaires dans tous les coins...).
Luis Bacalov se montre lui aussi tout aussi habile en bidouilleur de B.O. à la sauce Morriconne. Sa compo la plus réussie que n'aurait certainement pas renié le maestro est une complainte lancinante et dramatique, gorgée de nappes de violons accompagnant un harmonica que Tarantino intégrera plus tard à la playlist de "Kill Bill".
Côté ambiance, le cahier des charges du western est respecté tant pour les décors naturels italiens de l'Arizona que pour les fringues ou certains personnages récurrents du genre (les putes, les soûlards, les bourges, les chasseurs de primes, le croque-mort...).
Pour renforcer l'illusion, Lee Van Cleef plante son inégalable bobine sous le chapeau de Clayton, un shérif déchu, déterminé à innocenter le hipster Philip Werner, accusé à tort du meurtre de Jefferson, un puissant industriel et patriarche d'une portée de trois "figli di puttana" (Elie, David & Adam). Friands de violence et de terreur, la grappe de frangins a pour ambition de caler le fion de l'un d'entre eux sur le trône de la Maison-Blanche.
Même si l'histoire sent le réchauffé et contrairement à ce que suggère son titre, "Le Grand Duel" multiplie les fusillades et arrose la péloche d'un déluge de bastos et de sang pendant 95 minutes. La plus épatante des fusillades est celle qui introduit Werner exécutant des cabrioles pour feinter et abattre ses chasseurs comme un singe dans la peau de Belmondo échoué dans un épisode de "Bioman".
Bénéficiant d'un humour sarcastique, de dialogues scabreux et d'une galerie de vilains agréablement détestables (particulièrement Adam, la toutoune sanguinaire, à l'acné purulente, vêtue de blanc et d'un foulard qu'il agite pour éparpiller la fumée de la poudre qui l'incommode) font de ce western-spaghetti, comme souvent, un plat toujours plus gourmand que le western-ragout de papy.