Recette du film choral : pour que la mayonnaise prenne, il convient de bien amalgamer tous les ingrédients. Quand ça prend, la mayonnaise tourne au caviar (souvenir spontané : l'indépassable Short Cuts [1993], chef-d'oeuvre absolu et définitif du grand Robert Altman). Mais quand ça ne prend pas, la mayonnaise tourne au vinaigre (souvenir spontané : Le Héros de la famille [2006], ratage inqualifiable de Thierry Klifa, d'autant plus impardonnable qu'il avait sous la main un sacré brelan de dames scandaleusement sous-exploitées : Deneuve, Miou-Miou, Béart et Lemercier).
Le Grand embouteillage, c'est "ni caviar, ni vinaigre". On est dans une sorte d'entre deux. La pléiade d'acteurs qui figurent au générique du film laissait présager de grands moments, comme seule le cinéma italien savait encore le faire, à la fin des années 70 : voir Les Nouveaux monstres (1978), film certes inégal, mais encore capable de cette réjouissante férocité dont la patrie de Dante nous a régalés pendant une bonne vingtaine d'années, avant de disparaître corps et âmes, sous Berlusconi.
Ici, on semble hésiter tout le temps entre le film à sketches, la satire sociale, la comédie dramatique... Au final, ce "magma" est une ébauche de ce qu' "aurait pu" être Le Grand embouteillage : c'est-à-dire un très grand film, qui aurait clos avec panache un genre désormais moribond. On sauvera des bribes, des scènes isolées, ça et là : mais le film avance aussi vite que les voitures coincées dans ce gigantesque embouteillage... C'est dire. Dans ce surplace étouffant (car écrasé par le soleil romain), il y avait matière à créer une forme nouvelle... Mais Comencini ne tire parti ni du casting, ni du dispositif : par comparaison (cruelle !), la géniale séquence de l'embouteillage, dans Fellini Roma (1972), de Federico Fellini, est autrement plus édifiante.
"Le Grand embouteillage", film sans vie, est peuplé de fantômes : fantômes d'acteurs jadis si grands, fantôme d'un cinéma jadis si beau.