Tout était réuni pour que j'aime ce film, le western (d'autant plus le western spaghetti) étant l'un de mes genres préférés, et étant fasciné par Jean-Louis Trintignant, car il est né à Piolenc, le village où j'habite, mais surtout car c'est un acteur incroyable, subtil, froid et mystérieux, peut-être, avec Piccoli et Montand, mon acteur français préféré.
Mais j'étais inquiet. Corbucci n'est pas Leone, et j'avais été déçu par mon dernier spaghetti non leonien, Le Dernier Face à Face, de Sergio Sollima
Mais j'ai été frappé par Le Grand Silence. Dans son extradiégétique, d'abord, la musique, d'Ennio Morricone, est absolument sublime, presque rock dans certaines de ses intonations. Ensuite, ses décors, tournés dans la neige immaculée des Dolomites (région extraordinaire de l'Italie du Nord, autant pour la culture ladine que pour ses paysages) dont j'étais déjà amoureux, sont embellis par les choix de mise en scène de Corbucci. Mais si j'étais complétement conscient que le film est tournée autour d'Alta Badia et de Cortina d'Ampezzo, les thèmes, personnages, et choix de mise en scène me ramenaient toujours vers les Rocheuses.
Parmi les grandes qualités de ce film, il y a Klaus Kinski. Il campe un antagoniste parfait, froid et réfléchi, réactionnaire et manipulateur, qui est sûrement le plus grand méchant de western que j'ai vu jusqu'ici. Face à lui, le personnage muet et mutique de Silence, interprété par un Trintignant hermétique et mystérieux, pourrait faire pâle figure. Car le véritable personnage principal de ce film est pour moi celui du Shérif joué par Frank Wolff, personnage complexe, naïf et intelligent, pataud et adroit au pistolet, arriviste et charismatique, qui symbolise dans tout les westerns qui comptent, l'arrivée de la civilisations et la défense des opprimés.
Impossible de pas voir les échos et citations de ce film dans les œuvres qui l'ont suivi. La neige et le nihilisme des 8 Salopards de Tarantino, le froid et l'ambiance de John McCade d'Altman, et le discours social et la tension de la Porte de Paradis, de Cimino. Le Grand Silence est un grand western, qui dépasse peut-être pour moi, ceux de Leone. Reste à laisser décanter cette oeuvre en moi...