Le Grand'tour par Étienne_B
Ça commence comme un documentaire bon enfant, un truc plein de bonne énergie qui va vous faire sortir avec la banane, une légère envie de liberté, tout en sachant très bien que ça ne bouleversera pas votre petite vie tranquille.
Ça c'est le début, quand une demi-douzaine d'amis plus ou moins quarantenaire décident de prolonger leur fête habituelle de carnaval en allant, à pied et à travers bois avec alcool et drogue à profusion, au carnaval du monde. Le tout filmé la caméra à l'épaule et interview a posterioi, un vrai reportage. Ce qui devait durer quelques jours se prolonge, d'une semaine, puis de mois… comme ça, naturellement, en dormant où un arbre les accueillera.
Enfin naturellement pas tant que ça. Le spectateur se met à avoir des doutes. Certains évènement se passent trop bien, tout le monde co-opère, les rencontrent se passent bien, pas de malades, pas de mal aux pieds, de la bière, des bédos et même de la coke comme si il en poussait sur les arbres. Pas foncièrement impossible, on aurait envie d'y croire, on a envie de parcourir la Flandre en camion de pompier en faisant la fanfare !
Et puis un second doute, le film en lui-même. Personne ne semble remarquer le cameraman, il ne boit pas, il ne dort pas, il ne participe pas. Personne ne regarde jamais la caméra. Les plans se font de plus en plus rigoureux, la camera à l'épaule est de plus en plus délaissée pour des plans fixes, au bon endroit au bon moment, bien mis en scène. On doute sérieusement…
Et puis les protagonistes eux-même se mettent à douter. Moins de fête, mois d'alcool, ça commence à faire long. Tout ça vire à la quête mystique dans les bois, mais il faudra bien rentrer non ? Ou avoir un but, mais lequel ? Alors on arrête, on revient à la réalité … si tant est que quoi se soit fut réel. Et là le générique enfonce le clou, scénario, grutistes, preneurs de son. Le réel est tout relatif.
Pourtant on ne sait jamais à quel point c'est écrit. Tout est plus vrai que nature. Et c'est là que le film tourne au conte moderne. Quand on entreprend un truc pareil, est-ce que l'on peut faire autre chose que jouer un rôle, que se grimer et faire l'acteur ? Au contraire en jouant ils l'ont vécu aussi, même sous forme de jeu de rôle. Et la conclusion en est d'autant plus terrible, quand bien même on force le trait, quand bien même on l'écrit exprès, pour faire semblant, l'utopie a la vie dure dans notre monde télévisé. Elles ne trompent ni leur monde, ni celui des autres bien longtemps, elles périclitent au mieux, voire pire ? Toutes ces questions le film à la force de ne pas les théoriser ni les intellectualiser, mais de les poser là devant nous, dans un réalité presque palpable (et très drôle).
On ressort avec beaucoup de doutes mais une certitude, celle de s'être fait berner. On est pas allé voir un vulgaire road trip entre couilles tout innocent, mais bien une proposition cinématographique radicale.
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