Ayant dans mon très proche entourage une personne trisomique, un film comme Le Huitième Jour a forcément plus d'impact sur moi que sur d'autres...
D'ailleurs, Jaco van Dormael avait déjà effleuré ce thème dans son premier film, Toto le Héros, où Toto était justement le frère d'un enfant atteint de trisomie 21. Cela ne m'étonnerait donc pas que le réalisateur soit dans un cas similaire, surtout qu'il semble bien connaître les spécificités psychologiques des trisomiques, avant tout basées sur l'affect. Leurs capacités d'empathie et d'autodérision étant notamment très bien illustrées.
La preuve d'ailleurs avec ce parallèle fait d'emblée entre ceux que l'on appelle trop souvent "mongoliens" et les mongols, à cause de leur type de faciès relativement "proches" (hum, si ça c'est pas caricatural). Le réalisateur prend même le parti d'en rire en nous présentant deux ou trois fois des trisomiques sur de vastes plateaux montant fièrement leurs chevaux, avec des yourtes en arrière-plan. De jolies parenthèses, à l'image de l'onirisme des premières minutes du film, comme des dernières, présentant les fameux sept premiers jours...
Nous découvrons donc Georges et son chien, abandonnés à leur sort, croisant d'une bien triste manière la route d'Harry, conférencier spécialisé dans la vente, mais winner dépressif au bord du suicide avec même des visions hallucinatoires de son ex-femme.
La musique s'avère quelque peu larmoyante à cet instant, mais leur rencontre étonnante nous fera découvrir un Georges vivant dans l'instant et impossible à commander. Une vraie tête de mule ! Et la scène du magasin de chaussures enfoncera le clou, malgré quelques lourdeurs... Mais nous découvrirons aussi un jeune homme qui trouvera le moyen de marcher sur l'eau.
"Moi mongol !" "Allez, on rigole !" Voilà le type de phrases que l'on entend dans la vraie vie, et je dois dire que c'est ce genre de passages, d'une grande justesse, qui émeuvent dans ce film. Pascal Duquenne ne surjoue d'ailleurs pas (ou très peu), volant largement la vedette à Daniel Auteuil, qui a l'élégance de s'effacer lorsqu'il le faut. L'hypersensibilité du caractère de Georges, cherchant avant tout à être aimé, donnera lieu ensuite à des scènes qui ne tomberont presque jamais dans la sensiblerie... Celle du drame familial avec la soeur de Georges et ses neveux m'ayant carrément bouleversé. Rien n'est simple. Et pourtant, c'est lui qui, dans le drame parallèle vécu par Harry, viendra consoler son ami presque comme un père, inversant les rôles. Un ange.
Mais il ne faudrait pas non plus oublier de parler de la patte Jaco Van Dormael : sa photographie hyper colorée - limite kitsch - donne un aspect surréaliste au monde et aux paysages que nous voyons comme à travers les yeux de Georges, un peu à l'image de cette magnifique scène où une souris lui chante du Louis Mariano. Par contre, on aurait pu se passer de la séquence chez le concessionnaire, inutile et "too much", le film n'ayant pas besoin de ce genre de démonstrations de groupe.
Deux ou trois très grosses faiblesses donc, mais tellement de qualités, avec en prime le plus fort et le plus terrible des dénouements, suite à une ébauche de flirt particulièrement touchante elle aussi, condamnant Georges en raison de sa différence à l'impasse de l'enfance, à l'impasse de ne pouvoir être un homme amoureux, un homme normal... Un dénouement totalement inattendu, balayant une bonne partie de la guimauve et des bons sentiments qu'on aurait pu reprocher en amont au Huitième Jour.
Oui je me suis surpris à verser quelques larmichettes... Et alors ? D'façon j'm'en fous, maman c'est la plus belle du monde ! :p