Quand on a regardé une partie non négligeable des films des réalisateurs les plus célèbres (ceux dont les noms reviennent le plus souvent !), une fois cette première couche bien grattée, on passe inévitablement aux cinéastes que la postérité a désignés comme étant au second plan. Guy Gilles fait évidemment partie de cette catégorie. Est-ce qu'il le mérite ? Je ne vais pas répondre à cette question sur la base d'une seule de ses œuvres visionnées. Il faut que j'en regarde beaucoup plus avant d'émettre la moindre opinion solide. Toujours est-il que Le Jardin qui bascule est un ratage.


Déjà, le postulat est foireux. Un jeune tueur à gages est envoyé en Province pour abattre une femme. D'accord. Il doit s'arranger pour l'approcher, entrer en contact avec elle. Là, ça ne va pas. On n'est pas dans Apocalypse Now ou dans El Chuncho dans lesquels la cible est bien isolée et bien protégée. Ce qui exige une délicate entreprise d'infiltration pour parvenir à avoir une occasion de l'abattre. Là, elle n'est pas protégée. Elle n'est pas isolée du reste du monde. Il a juste à pépèrement attendre, en l'espionnant de l'extérieur, un moment où elle est seule, dans un lieu sans témoins et pan-pan.


Bon, il se rapproche d'elle et en tombe amoureux. Le tout ne se concentre nullement sur la tension et le suspense pouvant découler de cette situation inconfortable du protagoniste préparant son plan malgré ses sentiments, devant faire face en plus à un collègue qui ne partage pas le même béguin. Non, l'ensemble est une suite d'à-côtés dans laquelle deux mondes différents cohabitent, des êtres froids et à la dérive plongés dans une atmosphère propice au luxe, au calme et à la volupté. Pourquoi pas !


Mais, ça souffre d'un très gros problème. D'un côté, il y a les acteurs amateurs qui sont nuls (y compris le "comédien" principal, Patrick Jouané, désespérément amorphe ; donc, pour les émotions censées émaner du personnage, c'est foutu !) et il y a les autres, professionnels, qui sont bons. Delphine Seyrig est encore une fois imbattable pour incarner les femmes élégantes et vaporeuses (lors de son monologue pendant le dîner au restaurant, quand elle présente les autres convives, elle assure !), Guy Bedos fait un petit numéro mémorable de sa mère le temps d'une scène en pied-noir hâbleur, chemise ouverte avec grosse chaîne au cou, et Sami Frey est subtil dans le trop peu qui lui est donné (d'ailleurs, cela aurait été mieux de lui faire interpréter le protagoniste, sans parler que l'alchimie avec Seyrig n'aurait pas été un souci, étant donné qu'il était en couple à l'époque !). L'écart entre ces deux catégories est trop choquant et trop gênant pour ne pas plonger encore plus le film dans la médiocrité.


Cette expérience décevante ne me donne pas particulièrement envie de plonger comme un gros malade mort de faim sur un deuxième film du Monsieur, mais bon, je n'ai qu'à me dire que cela ne pourra qu'être difficilement pire.

Plume231
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films avec Jeanne Moreau et Les meilleurs films avec Delphine Seyrig

Créée

le 27 juil. 2022

Modifiée

le 27 juil. 2022

Critique lue 331 fois

15 j'aime

5 commentaires

Plume231

Écrit par

Critique lue 331 fois

15
5

D'autres avis sur Le jardin qui bascule

Le jardin qui bascule
SPilgrim
7

La relation fatale

[Mouchoir #62]En 1970, alors que Guy Gilles avait prévu de shooter (filmer) Jeanne Moreau, il en tombe à la place amoureux. Cinq ans plus tard, c'est l'heure du deuil. L'idylle n'a pas duré et du...

le 10 mai 2024

3 j'aime

Le jardin qui bascule
anthonyplu
5

Jardin suspendu

Un film très curieux rempli de flottements et d'hésitations. Ce film devait être à la base une sorte d’exercice de deuil sur la rupture entre Guy Gilles et Jeanne Moreau qui avait dévasté le...

le 6 oct. 2014

3 j'aime

1

Le jardin qui bascule
cathVK44
6

Critique de Le jardin qui bascule par cathVK44

Traversé par la mélancolie, le temps se suspend. Émouvante et fatale, Delphine Seyrig règne dans l’insaisissable jardin des amours éphémères.

le 1 août 2024

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

315 j'aime

22

Le Comte de Monte-Cristo
Plume231
3

Le Comte n'est pas bon !

Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...

le 1 juil. 2024

231 j'aime

55

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 20 juil. 2023

219 j'aime

29