La relation fatale
[Mouchoir #62]En 1970, alors que Guy Gilles avait prévu de shooter (filmer) Jeanne Moreau, il en tombe à la place amoureux. Cinq ans plus tard, c'est l'heure du deuil. L'idylle n'a pas duré et du...
le 10 mai 2024
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Quand on a regardé une partie non négligeable des films des réalisateurs les plus célèbres (ceux dont les noms reviennent le plus souvent !), une fois cette première couche bien grattée, on passe inévitablement aux cinéastes que la postérité a désignés comme étant au second plan. Guy Gilles fait évidemment partie de cette catégorie. Est-ce qu'il le mérite ? Je ne vais pas répondre à cette question sur la base d'une seule de ses œuvres visionnées. Il faut que j'en regarde beaucoup plus avant d'émettre la moindre opinion solide. Toujours est-il que Le Jardin qui bascule est un ratage.
Déjà, le postulat est foireux. Un jeune tueur à gages est envoyé en Province pour abattre une femme. D'accord. Il doit s'arranger pour l'approcher, entrer en contact avec elle. Là, ça ne va pas. On n'est pas dans Apocalypse Now ou dans El Chuncho dans lesquels la cible est bien isolée et bien protégée. Ce qui exige une délicate entreprise d'infiltration pour parvenir à avoir une occasion de l'abattre. Là, elle n'est pas protégée. Elle n'est pas isolée du reste du monde. Il a juste à pépèrement attendre, en l'espionnant de l'extérieur, un moment où elle est seule, dans un lieu sans témoins et pan-pan.
Bon, il se rapproche d'elle et en tombe amoureux. Le tout ne se concentre nullement sur la tension et le suspense pouvant découler de cette situation inconfortable du protagoniste préparant son plan malgré ses sentiments, devant faire face en plus à un collègue qui ne partage pas le même béguin. Non, l'ensemble est une suite d'à-côtés dans laquelle deux mondes différents cohabitent, des êtres froids et à la dérive plongés dans une atmosphère propice au luxe, au calme et à la volupté. Pourquoi pas !
Mais, ça souffre d'un très gros problème. D'un côté, il y a les acteurs amateurs qui sont nuls (y compris le "comédien" principal, Patrick Jouané, désespérément amorphe ; donc, pour les émotions censées émaner du personnage, c'est foutu !) et il y a les autres, professionnels, qui sont bons. Delphine Seyrig est encore une fois imbattable pour incarner les femmes élégantes et vaporeuses (lors de son monologue pendant le dîner au restaurant, quand elle présente les autres convives, elle assure !), Guy Bedos fait un petit numéro mémorable de sa mère le temps d'une scène en pied-noir hâbleur, chemise ouverte avec grosse chaîne au cou, et Sami Frey est subtil dans le trop peu qui lui est donné (d'ailleurs, cela aurait été mieux de lui faire interpréter le protagoniste, sans parler que l'alchimie avec Seyrig n'aurait pas été un souci, étant donné qu'il était en couple à l'époque !). L'écart entre ces deux catégories est trop choquant et trop gênant pour ne pas plonger encore plus le film dans la médiocrité.
Cette expérience décevante ne me donne pas particulièrement envie de plonger comme un gros malade mort de faim sur un deuxième film du Monsieur, mais bon, je n'ai qu'à me dire que cela ne pourra qu'être difficilement pire.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films avec Jeanne Moreau et Les meilleurs films avec Delphine Seyrig
Créée
le 27 juil. 2022
Modifiée
le 27 juil. 2022
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