Les frères Dardenne font le portrait implacable d'une radicalisation sans retour, d'un jeune se murant dans la haine froide. Puissant, jusqu'à ce que le récit s'écroule dans les dernières minutes. Spoilers.
Dans un quartier de Belgique, le jeune Ahmed quitte sa salle de classe pour rejoindre une mosquée intégriste, où un imam manipulateur lui fait miroiter de futurs jihads. Quand le nouveau long-métrage des cinéastes belges commence, leur personnage est déjà perdu. Perdu dans une foi aveugle, dans une déformation extrême du Coran. Mais les Dardenne veulent faire sauter le verrou de leur protagoniste. La caméra épaule, très documentaire, colle Ahmed, ne le lâche pas, comme pour essayer de percer son fanatisme devenu carapace mutique. En vain. Ahmed parle peu, si ce n'est pour prier, ou pour convoquer son Dieu, avant d'essayer de tuer sa professeur, coupable à ses yeux de vouloir enseigner un arabe autre que coranique.
Le Jeune Ahmed, c'est l'histoire d'une frustration, d'un constat terrible : l'impossibilité de la rédemption, du retour vers une forme de rationalité, ou du moins de modération. Ni le juge, ni l'éducateur, ni la mère, ni même une esquisse de premier amour ne seront assez forts pour faire basculer Ahmed vers une prise de conscience.
Extrêmement pessimistes, ce qui confère à la proposition tout son intérêt par rapport à d'autres films sur le sujet, les Dardenne cèdent de manière inexplicable à une happy end qui ne dit pas son nom. Ahmed manque de se tuer en manquant de tuer sa professeur, et finit, au seuil de la mort, par prendre conscience de ses actes. Autant on saluera la bouffée d'espoir chez les Belges, d'habitude plus enclins à la sinistrose, autant cette fin paraît artificielle car paresseuse et très mal amenée. Tout le propos était de placer Ahmed dans une terrible impasse évolutive, alors pourquoi tout défaire en une scène, aussi brutale que facile ?
Dommage, cette fausse note gâche une partition qui, bien que funeste, a de quoi résonner longtemps chez le spectateur.